Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
De la fiscalité des jeux de cartes à travers l’histoire
Dans le cadre de ce numéro spécial il nous a paru intéressant de redonner une exposition nouvelle à cet article non signé consacré à la carte à jouer paru il y a une quarantaine d’années dans le journal professionnel “La vie de la douane”.
D’où vient-elle ? Qu’en est il de l’origine des noms figurant sur les rois, dames et valets ? Les réponses des historiens loin d’être unanimes attestent pour le moins de la richesse du sujet dont seul l’aspect fiscal sera ici bordé. Dans sa quête constante de ressources nouvelles le pouvoir en place ne fut jamais à cours d’arguments nobles et spécieux pour en justifier la levée.
C’est ainsi qu’à l’origine cette taxation fut présentée comme une réponse du souverain pour lutter contre les désordres occasionnés par les joueurs de cartes et de dés. Il faudra attendre le premier janvier 1959 pour voir l’Etat supprimer la taxe spécifique sur les jeux de cartes, la T.V.A. prenant le relais.
L’origine des cartes à jouer est difficile à établir, mais elles ont fait leur apparition en France sous le règne de Charles VI, vraisemblablement importées d’Italie, pour distraire ce souverain atteint de folie. L’usage s’en répandit assez vite dans nôtre pays et il est fait mention du jeu de cartes dans une ordonnance du prévôt de Paris en date du 22 janvier 1397. Pendant tout le 15ème siècle et la plus grande partie du 16ème, les cartes à jouer demeurent exemptes de tous droits. Par ses lettres patentes du 21 janvier 1583 le Roi Henri III ordonne tout d’abord l’imposition des jeux sortant du royaume, et ce n’est que par la déclaration du 22 mai 1583 que toutes les cartes furent imposées à l’intérieur « d’un sou parisis sur chaque jeu de cartes, deux sous par jeu de tarots ».
Les jeux de cartes connaissaient déjà à cette époque une grande popularité et la mise en place d’une réglementation fiscale tout en suscitant le grand mécontentement des maîtres cartiers et de l’ensemble de la population devait favoriser un courant de fraude particulièrement important réprimé avec la plus grande des rigueurs : confiscation des jeux, peine corporelle et amende « arbitraire ». Cependant, dès 1586, les guerres continuelles entre huguenots et ligueurs empêchèrent la perception de cette imposition.
Au mois de janvier 1605, de pressants besoins d’argent incitent Henri IV à renouveler l’ordonnance de son prédécesseur et à imposer les cartes à jouer « denrées qui ne sont qu’instruments de débauche » de 15 deniers par jeu et les jeux de tarots de deux sous six deniers.
« Ces deniers provenant de cet impôt serviront à faire fleurir le commerce en toutes sortes d’ouvrages et manufactures, et à chasser la pauvreté et l’oisiveté qui est dans nos sujets ».
Tout en refusant d’imposer les cartes destinées à l’exportation pour ne pas nuire au commerce, il ordonnait que ces cartes soient néanmoins « contrôlées et marquées, paraphées et scellées par le receveur ou commis, d’un sceau différent à celui qui sera apposé sur celles qui se vendront en France et dont il sera fait bon et fidèle registre ».
Les marchands qui se livraient à ce commerce devaient prendre un certificat des contrôleurs des traites siégeant dans les villes frontières pour la quantité de jeux qu’ils avaient fait passer à l’étranger, puis lerapporter au bureau de droit où les jeux avaient été scellés afin que l’on put se rendre compte si les cartes ayant joui de la franchise n’avaient pas été reversées dans le commerce en France.
Cependant, la Cour des Aides, refusa d’enregistrer l’Ordonnance Royale et sur la requête de Jean Bardin, Commis à la Recette de l’Impôt, le Roi se vit obligé de rédiger une nouvelle ordonnance le 30 Juin 1607.
Il était ordonné aux Cours des Aides d’enregistrer sans retard cet Edit afin de pouvoir jouir de suite de l’impôt sur les jeux de cartes et précisait « qu’à l’avenir les cartes exportées hors du royaume pouvaient sortir librement à la charge seulement que les figures et enveloppes furent différentes de celles qui se vendaient dans le royaume».
Malgré les protestations des maîtres cartiers, la Cour du Parlement ordonna l’enregistrement de l’Edit de Juin après avoir réduit le montant de l’impôt de quelques deniers.
La première mention que nous trouvons d’un bail passé par le Roi pour la perception du droit sur les cartes à jouer, remonte au 4 juin 1584.
La ferme des droits imposés à cette sorte de marchandise avait été concédée à un nommé Antoine Erigallot. Cependant, il lui fallut attendre l’enregistrement de l’ordonnance portant imposition pour qu’il puisse exercer ses prérogatives.
Le 4ème bail, qui date d’août 1607, montre qu’il était concédé pour 7 ans à raison de 30 000 livres pour chacune des 3 premières années et à 40 000 pour les 4 dernières.
Les revenus du fermage servaient à de multiples usages. C’est ainsi qu’en 1629 un acte est publié portant la confirmation d’un don fait à la Duchesse Donano, à la faveur d’un mariage, de 50 000 livres « à prendre sur l’imposition des cartes et tarots qui a été livrée en 1628 ». La perception de cette taxe par la ferme devait accentuer ,le mécontentement général et la révolte des maîtres cartiers.
Les fermiers connurent alors de graves problèmes tant auprès des maîtres cartiers qu’auprès des cours chargées de juger les différends pour fraude.
Cependant, par arrêté du Conseil d’Etat pris le 5 décembre 1640 une nouvelle imposition est levée sur le commerce florissant d’exportation des cartes, « les cartes qui se feront ou vendront pour être transportées à l’étranger seront contre-scellées et marquées sur la douzaine, scellées et paraphées par le receveur ou son commis sur chaque paquet d’un sceau différent à celui que sera apposé sur celles qui se vendront en France et dont sera fait bon et fidèle registre à chacun desdits paquets de 12 jeux étant scellés et paraphés et contre-scellés pour cet effet, payera 12 deniers parisis ».
Il y eut au total 9 bails concédés. Puis, afin de moraliser cet impôt et inciter les tribunaux à se montrer sévères dans la répression de la fraude, le Roi abandonne, en septembre 1661 le bénéfice du droit de marque sur les cartes à l’Hôpital Général de Paris (aujourd’hui l’Hôpital de la Salpêtrière). Sur cet impôt, qui se montait alors à 20 deniers par jeu, le Roi en attribuait 18 à l’Hôpital Général ; la fraude apparut alors d’autant plus odieuse qu’elle tendait à soustraire aux pauvres leur subsistance.
La fraude
Il convient en effet de préciser que la fraude se faisait sur une grande échelle aussi des règlements très sévères se succédèrent. Ainsi : « on ne pourra fabriquer des cartes que dans les villes de Paris, Rouen, Tholoze, Lyon, Thiers, Limoges, Orléans, Troyes, Angers, Romans et Marseille ».
Par ailleurs, l’Hôpital Général résolut de grouper tous les maîtres dans un même lieu ce qui avait le double avantage d’empêcher la sortie des cartes en contrebande et de permettre la surveillance plus efficace sur la production des maîtres cartiers.
Il était défendu aux cartiers sous peine d’amende de faire des cartes ailleurs qu’au bureau et les directeurs de l’Hôpital étaient tenus de fournir les enveloppes des jeux de cartes sur lesquels étaient apposées les marques de contrôle. Les cartiers parisiens furent centralisés à l’hôtel de Nemours en 1664.
Malgré toutes les précautions prises, l’Hôpital Général ne tira aucun profit de la concession qui lui avait été faite. Il était en effet peu soutenu par les tribunaux et se trouvait en lutte continuelle avec les cartiers qui refusaient de se soumettre.
Au commencement de l’année 1671, les cartiers profitant du travail effectué par Colbert à l’établissement des manufactures dans tout le royaume lui assurèrent que la levée d’un droit si important sur les cartes causait un grand préjudice au commerce en empêchant les étrangers de venir acheter des cartes en France. Sur rapport de Colbert, le Parlement rendit par la suite un arrêt par lequel le Roi ordonna qu’il fut sursis à la marque et à la levée des droits sur les cartes.
Cette situation fut maintenue jusqu’en 1701. A cette date, les lourdes dépenses occasionnées par de longues guerres déterminent le Roi à rétablir de nouveaux droits à raison de 18 deniers sur chaque jeu.
Ce lourd impôt entraîna de nouvelles fraudes. Un rapport d’un commis de Rouen fait état qu’environ 1 million de cartes ont été fabriquées dans cette ville et que seulement 30 000 ont été marquées. La plupart étant présumées passées à l’étranger. Car à cette époque on ne marquait pas les cartes distribuées à l’étranger. Mais à la vérité, une très grande partie a été distribuée dans le royaume en fraude de la Ferme. Aussi le C.E. du Roi rendit une ordonnance le 9 mai 1702 par laquelle « les graveurs ou autres particuliers qui auraient contrefait les moules et cachets de Régie seraient punis d’une amende de 1 000 livres et de 5 ans de galère, en cas de récidive, le délinquant était condamné aux galères à perpétuité.
Rattachement de l’Impôt à la régie générale
Compte tenu de ces difficultés de perception, le 4 juin 1748 le C.E. du Roi décide que les droits seraient perçus pour le compte du Roi réunis à la régie générale de Jean Bocquillon. Le profit de cette perception étant affecté au paiement de l’école militaire dont la construction vient d’être achevée.
Une réglementation très stricte est mise en place dès 1751.
– les cartiers ne pouvaient employer d’autre papier que celui fourni par le régisseur à la marque de la régie ;
– la fabrication des cartes n’était tolérée que dans 63 villes ;
– il était expressément défendu d’introduire en France des cartes étrangères sous peine de 3000 livres d’amende.
Puis en imposant les cartes destinées à l’étranger, le Roi porta atteinte au commerce d’exportation déjà si éprouvé par toutes les fabriques installées à l’étranger. Les doléances des maîtres cartiers furent nombreuses, et le Roi dut en modérer le montant ainsi que nous l’apprend une lettre adressée par M. Argenson à M. De La Bourdonnaye, Intendant à Rouen le 7 mai 1754.
Dans ce document, il est dit que les régisseurs des droits auraient été autorisés par différentes décisions du roi à modérer le droit sur les cartes destinées à l’étranger et à favoriser cette branche d’industrie. Sa Majesté aurait ordonné qu’à partir du 1er janvier 1754, les cartes exportées ne seraient plus sujettes qu’à un droit de 6 deniers par jeu.
Pour éviter les fraudes, les régisseurs devaient timbrer les bandes d’une façon différente de celles en usage pour les jeux français et coloniaux, et ils ne devaient modérer le droit que sur la présence de certificats d’embarquement .
Ce fut en l’année 1778 que l’école Royale Militaire perdit la concession du droit sur les cartes, dont le montant des revenus est de nouveau laissé à l’usage personnel du Roi jusqu’à la Révolution.
Suppression du droit par l’Assemblée Nationale
C’est par l’article 1er du décret du 2 mars 1791 que l’impôt sur les cartes fut aboli, « portant atteinte à la liberté du citoyen ».
Par ailleurs, ce décret prohibait de la manière la plus expresse l’importation en France des cartes fabriquées à l’étranger. Mais devant la naissance et le développement rapide des ‘tripots », le conseil des Cinq-Cents proposa de rétablir un impôt.
Après la note favorable du conseil des Anciens, la régie de l’enregistrement fut chargée de la nouvelle perception du droit sur les cartes. Le directoire devait compléter cette réglementation en particulier pour les jeux destinés à l’exportation.
Les jeux de cartes fabriqués dans la République et destinés à l’étranger n’étaient pas assujettis au timbre, étaient tenus de les enregistrer au fur et à mesure de leur confection. Ils devaient tenir un registre de leurs envois, pour justifier aux préposés de la Régie que la totalité de cette fabrication était passée à l’étranger.
Ils étaient en outre contraints de joindre aux envois, un permis du Directeur de la Régie de l’Enregistrement, lequel devait être rapporté dans le mois, revêtu du certificat de sortie délivré par les préposés des douanes.
L’Empire établit une administration particulière appelée « Régie des Droits Réunis* et donna des pouvoirs particuliers aux inspecteurs de cette administration qui avaient le droit d’entrer, en tout temps, chez les personnes assujetties au paiement du droit pour s’assurer que leur commerce était bien régulier et qu’elles ne cherchaient pas à frustrer l’Etat.
Jusqu’au XIXème siècle, les cartes francaises destinées à l’exportation furent soumises aux mêmes droits que celles qui se vendaient à l’intérieur. Seules les cartes dont la forme était différente et spécialement fabriquées pour les pays étrangers étaient exemptes de droit.
Dans le but de développer l’industrie cartière, Bonaparte au Pont de Brigue, près de Boulogne, rendit un décret, le 30 termidor an XII relatif au remboursement des droits sur les cartes à jouer françaises qui étaient exportées à l’étranger.
Pour obtenir ce remboursement, les marchands et fabricants devaient faire leur déclaration des quantités qu’ils désiraient exporter en indiquant les bureaux des douanes par lesquels ils devaient taire l’expédition. En même temps que cette déclaration, ils devaient déposer leurs envois au bureau des droits. Les caisses ou balles.une fois vérifiées,étaient fermées et plombées en présence du Directeur de la Régie qui délivrait ensuite le permis d’exportation.
Cependant, l’importation des cartes fabriquées à l’étranger était interdite.
Cet état ne pouvait durer longtemps et les besoins d’argent que nécessitaient les guerres continuelles amenèrent bientôt le Ministre des Finances à imposer les cartes exportées. Successivement par l’article V du décret du 16 juin 1808, les cartes dont la forme et la dimension différaient des cartes usitée: en France et qui étaient destinées à l’exportation devaient acquitter un droit de 5 centimes par jeu exporté.
Ces cartes fabriquées sur papier libre pouvaient circuler à l’intérieur de l’empire à la condition de porter sur toutes les figures la légende ‘France » et le nom du fabricant.
Puis, par l’article 8 du décret du 9 février 1810, les cartes étrangères dont l’utilisation se faisait en France étaient assujetties d’un droit de 40 centimes par jeu. Le montant n’était que de 5 centimes si elles étaient exportées.
Et le 29 août 1815, le Ministre des Finances prit la décision par laquelle les cartes à portrait français pouvaient être exportées moyennant un droit de sortie de 5 centimes par jeu. L’article 2 précise que chaque carte au portrait français destinée à l’exportation devrait porter le mot « extérieur » et que les jeux seraient recouverts d’une bande de contrôle ayant pour légende les mots « français extérieur ».
Le fabricant qui ne se justifiait pas de l’exportation des jeux qu’il était autorisé à envoyer à l’étranger était tenu d’acquitter le droit de 40 centimes par jeu auquel étaient sujettes les cartes en circulation en France.
Durant tout le XIXème siècle et au début du XXème une série de mesures ont été prises par les différents gouvernements qui se sont succédés, afin de protéger la fabrication des cartes sur le territoire national, tout en facilitant leur exportation vers les principaux pays européens.
C’est ainsi que le 13 février 1822, le Ministre des Finances sur proposition du Directeur Général des Douanes et de l’Administration des Contributions Indirectes, autorisa la fabrication en France, dans les « ports d’entrepôts », des cartes étrangères destinées à être exportées.
Par ailleurs l’ordonnance royale du 7 juillet 1831, autorisa l’Administration des Contributions Indirectes à suspendre provisoirement le recouvrement du droit de 5 centimes des jeux destinés à l’exportation.
Ces jeux étaient également affranchis de l’application de la bande de contrôle. La loi du 4 juin 1836 confirmait ces dispositions, mais les jeux ne pouvaient circuler librement dans le royaume jusqu’au point de sortie que renfermés dans des caisses ficelées et plombées par les employés des douanes. Cette clause paraît avoir été respectée pendant toute la première partie du XIXème siècle.
En 1866, il semble que l’interdiction d’importation de cartes étrangères ait été levée quelques temps puisque une lettre ministérielle du 19 novembre de cette année précise que « les cartes à jouer importées des pays avec lesquels la France a conclu des traités de commerce sont assujetties indépendamment du droit de douane de 15/ 100 « ad valorem », à une taxe spéciale de 48 centimes par jeu. »
Cette taxe était perçue par les receveurs des douanes qui devaient apposer une bande de contrôle sur les jeux, afin de leur permettre la libre circulation en France. Pour empêcher les fraudes consistant à réimporter en France des cartes à jouer exportées, l’administration avait pris des précautions les plus minutieuses.
Une lettre administrative du 4 juin 1873 nous apprend que la prohibition de mêler des légendes sur les figures, édictée par décret de 1808, était toujours en vigueur.
En effet, l’Administration rappelle que pour mieux distinguer les cartes nationales, des cartes étrangères, celles-ci ne devraient porter aucun nom, de même il n’était permis d’entourer l’as de trèfle d’aucun ornement.
Mais la loi du 7 mai 1881 en établissant un nouveau tarif des douanes prohibe à nouveau toute importation des cartes de fabrication étrangère, principe qui sera maintenu par les lois de 1893 et du 25 juin 1920. ‘Les cartes à jouer , de fabrication étrangère, sont frappées de prohibition.
Cette disposition est applicable aussi bien aux cartes à portrait étranger qu’à nos cartes dites au portrait français, dont le modèle est la propriété exclusive de l’Etat. »
Aujourd’hui l’évolution économique et politique des principaux pays européens a profondément modifié la réglementation applicable aux cartes à jouer :
– Sur le plan fiscal, elles sont soumises à la T.V.A. au taux ordinaire.;
– Leur circulation est libre au sein des pays membres de la C.E.E.;
– L’importation des cartes des pays tiers donne lieu au paiement d’un droit au taux de 9 %.
– Sur le plan intérieur, l’utilisation des cartes à jouer dans les cercles fait l’objet d’une réglementation particulière du Ministère de l’Intérieur.
Cependant la multiplication des jeux de toutes sortes et l’avènement d’une société des loisirs ouverte à d’autres fermes d’activité et de distraction ont fait disparaître petit à petit ce goût-cette passion et cette recherche de la carte à jouer qui ont marqué les époques précédentes.
Si l’intérêt du jeu suscite encore de nombreux amateurs, on ne trouve plus aujourd’hui cette recherche dans la fabrication de belles cartes et l’industrie cartière connaît un déclin certain.
Les marques de contrôles
Les enveloppes de jeux :
Les enveloppes qui servaient à renfermer les jeux ont, dès le commencement du XVllème siècle, été employées comme moyens de contrôle du payement du droit sur les cartes à jouer. Elles étaient distribuées par le fermier au fur et à mesure des déclarations de fabrication.
L’Edit du 30 juin 1607 précise :
« les receveurs ou fermiers feront imprimer toutes les enveloppes tant pour les cartes qui se distribuent au royaume que pour celles qui se vendent au-dehors… et seront paraphées et à côté écrit le mot France pour celles qui s’y distribueront et estrangère pour celles qui sortent du royaume ».
« que dorénavant lesdits maîtres cartiers, marchands, et tous autres ne pourront vendre ni débiter en gros ou en détail aucune carte, tarot ou dé, sans avoir la permission dudit receveur et fermier ».
Ce mode de contrôle ne semble pas avoir obtenu un grand succès en raison du prix élevé que le fermier demandait pour chaque enveloppe et les fraudes ont été nombreuses.
Aussi les fermiers abandonnent provisoirement ce système devant la mauvaise volonté des maîtres cartiers et à la suite de nombreuses protestations, et donnent aux cartiers toute liberté pour graver les enveloppes de leurs jeux.
A partir de 1609, les cartiers se livrent, selon leur fantaisie, à la gravure de leurs enveloppes dont certaines sont admirables. Cependant, dès le 6 mars 1636, un accord est conclu entre les maîtres cartiers et les fermiers, en vertu duquel les premiers sont autorisés à envelopper leurs jeux dans des enveloppes portant leurs marques, enseignes et devises à condition qu’elles soient présentées au commis du contrôle… « lequel fera appliquer une contre marque (ou bon lui semblera) de tel caractère qu’il avisera pour servir de contrôle, outre laquelle le nom du maître sera écrit de la main dudit commis ».
La réglementation sur les enveloppes subit encore de nombreuses modifications selon les évènements et les situations particulières. Le 26 septembre 1661, un règlement retire aux maîtres cartiers la libre disposition de leurs moules d’enveloppe. Ceux-ci étaient déposés au bureau des commis qui en fournissaient le nombre d’exemplaires pour les jeux que tes cartiers déclaraient vouloir fabriquer.
De 1671 à 1745 les martres cartiers ont joui de nouveau du privilège de graver leurs enveloppes librement.
Puis le règlement du 16 février 1745. par l’article 3, stipule que « le fermier fournira dorénavant aux maîtres cartiers les papiers des enveloppes des cartes et tarots… sur lesquels il pourra faire mettre tels filigranes, timbres ou impression que bon lui semblera. En joignant aux maîtres cartiers… de payer comptant pour chacune desdites enveloppes un denier, à quoi nous avons fixé le prix marchand… ».
Au XIXème siècle, un décret du 9 février 1810 nous informe que les fabricants étaient astreints de mettre sur chaque jeu une enveloppe indiquant leurs noms, enseignes et signatures en forme de griffe. Ils devaient déposer une empreinte de ces enveloppes au greffe du tribunal de première instance et une autre au bureau de la Régie. Ils n’en pouvaient changer sans faire au préalable une déclaration.
Plus tard les enveloppes portaient une petite ouverture ronde destinée à permettre la vérification du timbre que la Régie apposait sur chaque as de trèfle avant que le jeu soit livré au commerce. Mais c’est surtout au XVII et XVIIIème siècles que l’on trouve les plus beaux spécimens d’enveloppes et quelques cartiers célèbres se sont distingués : Marc Antoine Malet, Lazare Boyer, Nicolas Guigue, Etienne Muron. Aujourd’hui cette tradition a malheureusement disparu.
Les bandes de contrôle.
Nous avons vu que pour garantir la perception de droit, le fermier contraignit les cartiers à prendre à son bureau les enveloppes nécessaires à leur commerce. Outre cette clause, il fallait encore que les fabricants de cartes fassent cacheter leurs jeux à l’aide d’un cachet de cire portant la marque choisie par le Fermier.
Cette méthode a été utilisée jusqu’au milieu du XVIIIème siècle et a été remplacée par l’utilisation d’une bande de contrôle (Edit de 1661) qui était scellée autour du paquet de cartes.
C’est en 1751 à la suite du règlement du 9 Novembre que réapparaissent les bandes de contrôle apposées par les commis de la Régie chaque fois que les maîtres cartiers venaient faire leur déclaration de fabrication et présenter les jeux prêts à être mis en vente.
Les bandes différaient selon la destination des cartes : soit à l’étranger soit à l’intérieur du territoire. l’utilisation de ces bandes fut constante, malgré le changement des motifs décoratifs utilisés, jusqu’au 19ème siècle.
Entre 1701 et 1719, les Fermiers qui se succédèrent firent imprimer sur les cartes différentes sortes de marques. Chacune d’elles portait le nom de la généralité dans laquelle elle était éditée et en plus un cercle à l’intérieur duquel se trouvaient inscrites 3 fleurs de lys.
Puis, après 1719, les fermiers firent imprimer des filigranes dans les ornements des vêtements de quelques- unes des figures (le Roi, la Dame et le Valet).
C’est en 1817 que l’as de trèfle fut utilisé afin de lutter plus efficacement contre la fraude. Par l’ordonnance du 18 juin 1817, article 1er, il est décidé que « l’as de trèfle sera désormais assujetti à une marque particulière et distincte que la Régie est autorisée à imprimer sur le papier qu’elle fournit aux cartiers ».
Par la circulaire du 7 juillet 1817 n °21 les as de trèfle sont dénommés « as à fleur de lys ». Un an plus tard, le décret du 12 avril 1890 ordonnait même l’apposition d’un timbre gras sur l’as de trèfle. L’article 2 précisait que « les jeux tant au portrait français qu’au portrait étranger envoyés à l’exportation ne devront pas porter ledit timbre.
DECRET DU 5 MAI 1947 PORTANT REGLEMENTATION DE LA POLICE DES JEUX DANS LES CERCLES (EXTRAIT)
Art. 45, – Cartes à jouer. – Les jeux de cartes utilisés dans les cercles pratiquant les jeux de hasard doivent être d’un tarotage à teinte unie de deux couleurs différentes seulement.
Les établissements autorisés à pratiquer les jeux de hasard ne peuvent se procurer des cartes que chez des fabricants agréés par le Ministère de l’Intérieur et qui s’engagent à ne délivrer les cartes de cercle qu’aux établissements autorisés à pratiquer les jeux de hasard dans les conditions prévues par le présent article.
En échange des jeux neufs, ils remettent les procès-verbaux de lacération des jeux usagés où, le cas échéant, une autorisation émanant du fonctionnaire de police chargé de la surveillance de l’établissement d’augmenter le nombre des jeux pris en charge.
Art. 46. – Les jeux ne sont extraits du dépôt de cartes qu’au moment même où il en est fait usage. S’ils sont neufs, ils ne sont décachetés qu’à la table de jeu. Le public est appelé auparavant à vérifier si la bande de contrôle est intacte.
Les cartes sont aussitôt après étalées sur la table, les figures en dessus afin de permettre de constater que l’ordre suivant lequel elles sont classées par le fabriquant n’a subi aucun changement. Elles sont ensuite retournées sur tapis et mélangées à plat, les figures en dessous.