Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Dans les coulisses d’un changement de tenue
Il est une situation qu’Ernest Fort n’a jamais connu, et pour cause, c’est celle du changement de tenue. Pour cause, l’érudit bayonnais a déjà du oeuvrer pour reconstituer une documentation alors peu accessible sur les uniformes des brigades.
Mais les archives de la direction générale des douanes permettent de se plonger, avec un certain délice, dans le dernier grand changement de tenue qu’a connu l’administration : celui initié en 1991.
La tenue des agents est, à cette époque, peu ou prou celle adoptée en 1973 : pantalon bleu céleste à bande rouge, vareuse bleu foncé à col ouvert, chemise bleue, cravate, képi. Seules les tenues portées par températures extrêmes se sont réellement adaptées : l’administration tolère le port de chemises à manches retroussées, et une parka a été adoptée pour les temps froids depuis 1984, un modèle adopté en 1987 ayant alors cours.
Pourtant les années 1980 ont apporté leur lot de changement par une porte discrète : celle des spécialistes. Maître de chiens et moniteurs de tir sont en effet dotés depuis cette décennie du treillis F1 en dotation dans l’armée. Des effets qui invitent alors l’administration à penser à un changement de vestiaire, d’autant que le Ministre du Budget alors en place, Michel Charasse, est lui-même intéressé par la question.
La réflexion est donc lancée par un groupe de travail en 1991 qui étudie plusieurs propositions. L’investissement n’est pas négligeable, une note d’information non datée du Bureau B/2 en charge de la question prévoyant une somme de 3 000 000 F pour « les dépenses inhérentes aux travaux et études effectués« .
Au début du mois de juillet 1991, 12 maisons de couture sont retenues, comme l’indique la revue Douane Infos de Juillet/Août 1991. Et il n’est pas peu dire que certaines maisons se livrent à des projets audacieux à l’esthétique … particulière. Nous laisserons le lecteur juger : que dire de ce douanier à influence soviétique, ou de cette parka chasuble avant l’heure.
A l’issue, deux maisons se distinguent : Courrèges, dont la parka et la tenue de travail son retenues, ainsi que Carven pour la tenue de cérémonie et la tenue de travail. C’est ce qu’indique le Douane Infos de novembre 1992, en présentant les projets de tenue aux agents (voir le lien, ici et ici).
Encore que la tenue adoptée ne soit pas véritablement celle que l’on connaisse : le principe de la casquette souple est testé sous de nombreuses déclinaisons tout comme la combinaison. Element notable de la réforme, celle-ci subira de nombreuses évolutions, dont la plus notable sera sa transformation d’une combinaison d’une pièce en combinaison deux pièces.
En 1993, le vestiaire est ainsi présenté à Roissy, en juin, ainsi qu’à la Direction générale en septembre. Encore que l’on pourra apprécier les nombreuses variations de chaque effet.
Ce n’est finalement qu’en 1994 que la tenue définitive est adoptée ! Encore qu’adoption ne rime pas avec, administrativement parlant avec distribution ! Une fois la tenue adoptée, les marchés publics doivent encore être passés, après validation par le Service commun des laboratoires de la qualité des tissus !
Comme l’indique la revue ministérielle Echanges en 1995, dans un article intitulé « La nouvelle tenue des douaniers« , les livraisons s’échelonnent à l’ENBD sur plusieurs années. Les combinaisons sont ainsi réceptionnées avant la fin de l’année 1994, les derniers effets distribués l’étant en 1996. Encore que la tenue de cérémonie ne sera livrée qu’en 1997. Comme le conclut prosaïquement la revue, c’est « la rançon à payer pour être habillé par la griffe d’un couturier« .
Encore quelques années, et le bulletin officiel des douanes (B.O.D.) fixera, dans le marbre des « B.O.D. jaunes » en 2000, la composition du vestiaire qui fête, peu ou prou, son quart de siècle….
L’auteur tient particulièrement à remercier, s’il lit un jour ces quelques lignes celui qui, alors qu’il allait quitter son poste à la direction générale, a pris beaucoup de son temps pour lui transmettre ce qu’il savait de l’uniforme douanier auquel il avait tant contribué. Il se reconnaîtra.
Xavier RAUCH