Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Adam Smith… un douanier théoricien du libre-échange ?

Mis en ligne le 1 janvier 2020

Portrait d’Adam Smith, Galerie nationale d’Écosse, Édimbourg

 

Même le théoricien du libre-échange a choisi un poste de … douanier !
 
 

Tout le monde connaît Adam SMITH, en particulier tous ceux qui ont suivi quelques cours d’économie politique. Le penseur « classique » du libéralisme, Adam SMITH, auteur de la théorie sur la nature et les causes de la « Richesse des Nations », théoricien de la « main invisible » qui permet de concilier automatiquement au juste prix et sans entrave sur un marché l’offre et la demande, n’est autre qu’un douanier.

 

Publié en 1776, cet ouvrage lui permet de décrire notamment que toutes les nations devraient faire du commerce librement entre elles, sans droits de douane, sans frontières.

 

« La Richesse des Nations », œuvre majeure du douanier Adam Smith

 

En 1778, à Glascow, en Ecosse, même ses amis n’en reviennent pas : Adam SMITH, célèbre professeur de philosophie pourrait prétendre à obtenir un poste universitaire de grand renom.

 

Pourtant, il renonce… pour préférer devenir douanier ! Quelle mouche le pique ?

 

Le succès du livre est tel que la couronne britannique veut gratifier l’auteur. On lui propose un poste universitaire à la hauteur de son talent.

 

 

Contre toute attente, Adam Smith refuse et demande un poste de contrôleur des douanes, fonction qu’il occupera toute sa vie avec zèle. Un comble pour le théoricien du libre-échange !

 

 

 

Adam Smith a pensé toute sa vie que ses idées sur le commerce international libre demeureraient totalement utopiques. Pour lui, des douanes efficaces seraient donc toujours indispensables à la bonne gestion du pays.

 

 

Il restait par là même fidèle à son propre père, douanier lui aussi. Il ne l’avait pas connu de son vivant, et il  s’appelait aussi Adam Smith !

 

William Simpson, Croisement de Stockwell Street et de Great Clyde Street (avec l’ancien bureau des douanes), vers 1893-1898, aquarelle, Musée de Glasgow

 

Le poste semblait, il est vrai, un peu paradoxal pour quelqu’un qui avait consacré une bonne partie de sa vie à critiquer les interdictions à l’importation et les tarifs douaniers, ce qui est précisément ce que l’on est supposé faire dans les douanes. Mais même ainsi, il semble qu’il occupa sa charge avec zèle et efficacité jusqu’à son décès, qui eut lieu en 1790.

 

Pourquoi Smith accepta-t-il ce poste ? Il est évident que ce ne fut pas pour des motifs économiques. Smith avait obtenu longtemps avant une pension à vie du duc de Buccleugh ; et il était, en plus, un homme avec peu de besoins. Il ne se maria jamais, il mena une vie simple et consacra une partie non négligeable de ses revenus à des œuvres de bienfaisance. Il est plus raisonnable de penser que, bien que critique des douanes, notre personnage croyait fermement que celles-ci existeraient toujours ; et que les gérer de manière efficace serait une contribution au progrès économique de son pays.

Il avait si peu de foi dans le triomphe du libre commerce international dans son propre pays qu’il déclarera même qu’il le considérait comme une chose aussi éloigné de la réalité britannique que l’établissement d’une Océana ou d’une Utopie, en référence aux célèbres utopies de Harrington et More.

 

Ses idées connurent, cependant, un succès beaucoup plus grand que lui-même l’avait imaginé. Septante ans après la publication de La richesse des nations, la Grande-Bretagne supprimait les lois protégeant l’agriculture et ouvrait ainsi la voie au libre-échange, qui constituerait une des bases de sa prospérité dans la seconde moitié du 19e siècle. Et les Anglais ne cesseront jamais d’être conscients de la dette qu’ils avaient contractée avec ce curieux commissaire des douanes écossaises.

 

Arnaud Picard

 

Sources :

– Libertad digital / traduit de l’espagnol

– Economitips

 

 

 

 

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