Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
A la Une: « Sentiers, Chemins des douaniers »
Le long des côtes, les promeneurs empruntent des chemins plus ou moins aménagés (et souvent très biens aménagés et identifiés grâce aux initiatives des municipalités, des départements et par endroits du Conservatoire du littoral, mais également aux efforts bénévoles des associations de randonneurs).
Ces chemins sont en général baptisés « chemins de douaniers « ou « sentiers de douaniers » car à l’origine et dès le temps de la Ferme Générale , ils étaient le domaine des agents chargés de surveiller la frontière maritime et de rechercher les débarquements de marchandises de fraude transportés par les navires contrebandiers .
Jusqu’au début du 20ième siècle, la présence de douaniers patrouillant à pied sur ces sentiers était quasi permanente compte tenu du nombre important de brigades disséminées le long du littoral. Et cela d’autant plus que les pouvoirs de contrôle et de saisie des denrées de contrebande étaient circonscrits à la frontière géographique et dans une zone contigüe limitée à 20 puis 60 kilomètres de celle-ci (la police du rayon des douanes).
En outre, il n’était pas rare, notamment au 19ième siècle, que les premiers sauveteurs des navires en perdition s’échouant à la côte, soient des douaniers utilisant leurs fameuses « lignes Brunel » (cordes équipées d’un grappin et d’un flotteur) et leurs fusils lance amarres.
La Jurisprudence, fondée sur la loi du 4 Germinal An 2, reconnaissait à la douane un large droit d’intervention et de passage le long du littoral, à l’exception toutefois du franchissement des propriétés closes (Arrêt Cour de cassation du 20 juin 1860).
Dans la deuxième moitié du 20ième siècle, les effets conjugués du développement du trafic maritime, l’augmentation du tonnage des navires de commerce, la modernisation des ports, les accords commerciaux internationaux, la mise en œuvre, dans la douane, d’unités motorisés et de moyens navals modernes, ont réduit l’intérêt d’une surveillance des chemins côtiers .
Puis, avec le temps, le littoral a changé de physionomie (constructions en bordure du rivage, d’habitations, de ports et plages privées, aménagements de terrains cultivés ou de pâturages clôturés.) de sorte que le sentier s’est trouvé inaccessible en certains endroits.
Mais comme les risques de débarquements frauduleux sur les côtes (notamment de stupéfiants, de cigarettes, d’armes..) restaient réels, la direction générale des douanes s’est préoccupée en 1967 de préciser les conditions juridiques que les douaniers devaient respecter pour exercer leur droit de passage sur ces chemins.
En s’appuyant sur la loi 63-1178 du 28/11/1963 relative au domaine public maritime et fixant, sauf autorisations spéciales soumises à avis préalables des autorités douanières, à 20 mètres ou 50 mètres du rivage de la mer, les constructions des murs ou clôtures privées, l’instruction listait les différents cas de figures par rapport aux aménagements antérieurs à la loi.
Lorsqu’il s’agissait d’espaces communaux, donc publics, aucune restriction de passage n’était opposable. Lorsqu’il s’agissait de propriétés non closes, il convenait de rechercher un accord de principe avec le propriétaire. Par contre lorsqu’il s’agissait de franchir des propriétés privées closes, et à défaut d’autorisation préalable du propriétaire, seule le permettait la mise en œuvre contraignante du droit de visite domiciliaire (article 64) .
Le Directeur général concluait son instruction en jugeant peu opportun de réclamer au législateur un droit de passage plus complet, et mettait en avant pour cela deux arguments pertinents : le premier, d’une prudence administrative mais réaliste (« la mise en œuvre du Traité de Rome a eu pour effet de créer un courant d’opinion alimenté par des préjugés constants et une absence ou un refus d’information favorable au dépérissement de la douane. »). Le second plus prospectif : ( » de toutes façons, les besoins du tourisme vont conduire presque partout à une amélioration notable de l’accès au rivage. »).
Et c’est ce qui arriva avec la Loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967, complétée par la Loi du 31 décembre 1976 (article 52) qui stipule : « les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de 3 mètres de largeur d’une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. »
Nos anciens douaniers avaient tracé le chemin, souvent en peinant. Il n’est que justice de le rappeler aux nombreux randonneurs d’aujourd’hui en les désignant de « chemins ou sentiers de douaniers ».
Marc Langlet
(1). Badge crée par la direction interrégionale des douanes de Normandie à l’occasion du bi-centenaire de la création de la Douane nationale (1791-1991).