Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
L’uniforme et l’armement du douanier mobilisé, 1870-1871
C’est rempli d’émotion qu’Ernest Fort évoquait la silhouette du douanier gardant Paris lors du siège de la capitale. Mais quelle est donc la tenue du douanier de 1870 ?
En 1870, la tenue du douanier n’a pourtant guère évolué depuis 1852. C’est en effet une circulaire du 6 mars 1852 qui fixe encore l’habillement des agents des brigades.
Les agents subalternes – c’est à dire des préposés aux capitaines – portent dont la tunique à une rangée de boutons et jupe plate, passepoilée garance. Les parements y sont taillés en pointe, de sorte que les galons sont disposés en chevrons sur la tunique, dont la taille est depuis 1856 identique à celle des chasseurs à pied (6,6cm au lieu de 5,4 cm antérieurement). Pour les préposés et sous-officiers, outre les insignes de grade, la tunique est agrémentée par une torsade de quatre brins de laine rouge formant épaulette. Pour les officiers, la torsade est réalisée en fils argents, et le col s’orne des broderies attribuées en …. 1801.
La fixation des grades préfigure également ce qu’elle sera pour longtemps dans les brigades :
- – galon simple en forme de chevron pour les sous-brigadiers ;
- – galon double de la même forme pour les brigadiers ;
- – deux tresses plates en forme de nœud pour les lieutenants ;
- – trois tresses plates en forme de nœud pour les capitaines.
La tunique a cet avantage, écrit-on en 1852, qu’outre sa commodité, « le pantalon étant mieux couvert, il y aura lieux de le renouveler moins souvent ». Celui-ci est toujours le modèle adopté en 1835, à savoir un pantalon en drap gris bleuté de 1835, mais sur lequel le passepoil garance est remplacé par une bande large, fixant ainsi à quelques dizaines de millimètres ce qu’allait être le pantalon du gabelou jusqu’au début des années 1990.
Au niveau de l’équipement, la buffleterie cède sa place au ceinturon de cuir, que l’administration avait testé dans certaines directions. Les munitions sont désormais contenues dans une cartouchière fixée directement au ceinturon.
En campagne, le havresac en usage chez les chasseurs à pied sa rajoute alors à l’équipement.
Reste que l’uniforme fixé en 1852 tient encore pour une bonne partie de celui de 1835. Malgré des demandes que la circulaire de 1852 reconnaît, restent réglementaires le sabre briquet et le shako. Encore que celui-ci n’est plus guère porté qu’en grande tenue ou en faction, le port de la casquette se généralisant pour les services journaliers, préfigurant le képi de la fin du 19ème siècle. A visière carrée, elle ne comporte aucun attribut spécifique, ni liseré argent pour les sous-officiers. Seuls les officiers voient leur grades reportés sur la casquette à l’aide de galons plats, et d’un nœud hongrois sur le plateau.
Pour le vêtement « de dessus », la capote à taille en drap gris bleu complète le vestiaire des agents. La circulaire de 1852 prend note que certaines directions avaient demandé sa suppression. Elle défend néanmoins cet effet à la durée de vie « beaucoup plus prolongée que la tunique », rappelant que « dans l’armée, après avoir supprimé la capote, on s’est vu dans la nécessité de les rendre aux troupes malgré l’existence dans tous les postes, d’une capote de guérite pour les factions ». L’Administration consent néanmoins que le vêtement doit être amélioré en la dotant d’une double rangée de 6 boutons et que les poignets seront désormais ajustés et maintenus par 2 petits boutons.
S’agissant des officiers, ceux-ci conservent la capote à taille de couleur verte que leur avait alloué la réforme de 1845 (jugeant que la tenue ordinaire s’avérait trop dispendieuse pour effectuer des services de campagne) et la circulaire de 1845 officialise le port du burnous en drap vert. Les grades sont arborés sur le burnous, comme sur la capote à taille qui en est originellement dépourvue, par des nœuds en poils de chèvre noir.
Au niveau de l’armement, les préposés et sous-officiers portent le sabre briquet et les officiers le sabre modèle 1855, en remplacement des sabres modèle 1822.
S’agissant des armes longues, la situation de l’Administration n’est pas forcément flatteuse. D’abord, celle-ci a bien du mal à assurer une uniformité en matière d’armement, ce dont le directeur de l’Administration se plaint en 1841. Pour cause, les armes sont fournies par les dépôts du Ministère de la Guerre, et les préposés développent la tendance à l’achat d’armes de fantaisie, dites « armes de nuit ».
Au déclenchement du conflit, les agents sont dotés depuis 1844 du mousqueton de gendarmerie à percussion modèle 1842. Certains agents seront, selon toute vraisemblance, dotés du Chassepot lors du siège de Paris.
L’Administration tire d’ailleurs elle-même en 1872 un constat de l’armement obsolète dont elle était dotée lors des hostilités. Evoquant la nécessité de réarmer des directions laissées sans armes par les occupants, elle commence par un simple constat : il n’est plus possible de se procurer les pièces de rechange nécessaires à l’entretien des « armes à percussion. […] La dernière campagne a d’ailleurs démontré qu’il était indispensable de remplacer les mousquetons, datant de 1842, par des armes d’un des nouveaux systèmes aujourd’hui en usage ».
Une seule incertitude subsiste sur la tenue du douanier en 1870 : Ernest Fort dépeint, d’après une photographie, un officier « avant et après la guerre de 1870 » arborant une tunique à double rangée de boutons. Ce modèle de tunique est adopté dans l’Armée depuis la fin des années 1860 (1868 chez les chasseurs à pied). Aucune source n’établit néanmoins qu’elle est officiellement portée en douane en 1870. Les témoignages recueillis par Ernest Fort lui même datent cette modification de 1873 (sans que la source n’en soit connue, ni de l’auteur de ces lignes d’ailleurs). Si certains officiers, sous-officiers ou préposés ont porté la tunique croisée, il s’agit sûrement d’un mimétisme vis-à-vis de la tenue militaire, souvent observée chez ceux qui sont, du reste, souvent d’anciens sous-officiers de l’Armée. Pour notre part, nous nous contenterons des sources officielles en notre possession.
Xavier RAUCH