Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Grosbliederstroff, vous connaissez?
Il aurait été impensable de parler des marches de l’Est sans faire référence à ce bureau nationalement connu des douaniers et où, malgré tout, peu sont réellement allés : Grosbliederstroff – «Grosbli» pour les Lorrains.
Peu de bureaux de douane font en effet autant l’unanimité, la plus négative s’entend. Tout jeune douanier arrivant à La Rochelle se voit menacer d’une mutation à: Grosbliederstroff en cas de mauvaise conduite. A l’image de la Légion étrangère, la Douane, aurait-elle son bataillon, pardon, son bureau disciplinaire chargé de mater les mauvais agents ?
Nous avons mené l’enquête tant sur les agents en cause que sur l’environnement. Et bien, il est temps de démythifier Grosbliederstroff. Nous y avons rencontré des gens heu – reux! Et croyez-nous, la région ne manque pas de charme et les douaniers de joie de vivre.
D’accord, l’architecture du bureau n’est pas signée Le Corbusier. Mais n’oublions pas qu’elle date de 1959, année durant laquelle la Sarre a été rattachée à l’Allemagne. Le cordon douanier se trouvait auparavant à 30 kilomètres au nord de Grosbliederstroff; lorsque la France a opéré un déplacement de sa frontière, il a fallu construire rapidement un poste dans cette charmante bourgade lorraine. Bien sûr, l’exiguïté des locaux permet difficilement aux 22 agents (9 de bureaux, 13 de brigades) d’évoluer en toute quiétude. Il règne cependant dans ce bureau une ambiance et des conditions de travail que les agents eux-mêmes n’hésitent pas à qualifier d’excellentes.
De façon générale, la moyenne d’âge des douaniers de «Grosbli» est plutôt basse, bien qu’il y ait, quoi qu’on en pense, peu de mutations (7 en 20 ans). Nous nous sommes même laissé dire que quelques «mutés» avaient la nostalgie de «Grosbli». Et puis, les accents de ce bureau! Ça va de l’intonation chaude et chantonnante du pays basque à la prononciation quelque peu gutturale dont les Lorrains ont le secret. Toutefois, les demandes pour Grosbliederstroff proviennent de plus en plus des gens du crû.
Sur le plan du travail, le séjour à Grosbliederstroff permet aux agents des opérations commerciales de passer rapidement dans tous les services. Au bout de quelques mois, ils ont une vue d’ensemble du travail d’un bureau de douane. Ici, on ne connaît pas le cloisonnement des postes, tel qu’il existe dans les grands offices.
Côté trafic, Grosbliederstroff est en effet un petit bureau. A l’importation, le dédouanement porte surtout sur les produits sidérurgiques de Sarre, les articles sanitaires et les meubles, et se fait beaucoup par procédures simplifiées. Le nombre de déclarations est de 7 000 environ par an. A l’exportation, il s’agit surtout de meubles, de bois brut, de matières pondéreuses… Le nombre de déclarations est pratiquement inférieur de moitié à celui des importations.
Les agents de la brigade connaissent un trafic frontalier important dû aux habitants de la région travaillant en Allemagne. Ceci équivaut à 8 000 passages par jour. Le Courant de voyageurs est moyen, plus important en été. Le contentieux porte essentiellement sur le matériel haute fidélité, le non-acquittement de la vignette, les surcharges, la taxe à l’essieu.
Grosbliederstroff est certes un petit bureau, mais certainement pas la résidence déshéritée que l’on se plaît à décrire. Pas de déplacement fatigant pour se rendre sur le lieu de travail. La plupart des agents habitent la cité des douanes, de construction récente et à deux pas du bureau. Chacun possède son jardin qu’il entretient amoureusement. L’environnement contribue largement à une certaine qualité de la vie.
Situé en pleine campagne, loin des hauts fourneaux, Grosbliederstroffcest cependant à 7 kilomètres de Sarreguemines, 9 de Forbach, 15 de Sarrebruck. Les plaisirs de la ville sont à portée de main. Ajoutez-y les charmes de la campagne: promenade en forêt, pêche à la truite, cueillette des champignons – notamment de morilles, mais leur emplacement est gardé secret!
La municipalité a consenti un réel effort pour l’animation de la ville: divers clubs – musique, ping-pong, basket… sont ouverts à tous. Bref, il ne manque plus que la mer.
Mais en l’état actuel des choses, nous ne saurions encourager les vocations : le bureau tourne au plein de son effectif…
La Vie de la Douane
N° 193 – Avril 1983
« Les marches de l’Est »