Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Allocution de M. Emmanuelli, secrétaire d’Etat au budget, pour l’inauguration du musée des Douanes
Monsieur le Président,
Messieurs les Directeurs Généraux,
Mesdames, Messieurs,
M. Delors, retenu inopinément par une urgence, m’a chargé de vous transmettre tous ses regrets.
Nous sommes ici, vous le savez, pour plusieurs raisons :
– d’abord pour fêter la création à Bordeaux du musée des Douanes,
– mais aussi pour inaugurer, avec les représentants de M. Lang et du député-maire de Bordeaux, la partie bordelaise de l’hommage aux Gabriel que le ministre de la Culture nous a demandé d’abriter dans cet espace, l’une des plus belles réalisations de Jacques V Gabriel;
– nous sommes ici, enfin, pour célébrer, à cette occasion, le 30e anniversaire du Conseil de Coopération Douanière, institution internationale qui groupe 94 Etats.
D’abord, pourquoi un musée des Douanes ?
Une administration est aussi une organisation humaine. Elle utilise des immeubles et des objets qui relient les générations les unes aux autres. Elle suscite une iconographie, possède ses grands hommes, vit à sa manière les événements qui font l’histoire.
Or la Douane est aussi ancienne que l’Etat. C’est dire la richesse de ses traditions, la variété des instruments et des méthodes qu’elle a successivement utilisés au cours des âges comme la procédure de l’entrepôt de douane qui a fait la fortune de nos ports – et plus particulièrement de celui-ci – au 18e siècle.
Il est donc sympathique que cette administration, toujours confrontée à la conjoncture, soit partie à la recherche de ses racines, grâce à quelques douaniers groupés dans l’Association pour l’Histoire de la Douane qui jugeaient insupportable l’idée que le passé lointain comme le passé proche de cette institution puisse se perdre dans les mémoires et être ignoré des jeunes générations.
Une telle idée, une telle volonté, ne peuvent susciter que l’estime et l’approbation.
Cela dit, la Douane n’est pas une administration du passé. L’actualité montre tous les jours le contraire. Je l’ai constaté encore aujourd’hui en parcourant au pas de charge les services de la surveillance aéronavale. J’ai en effet pu observer le fonctionnement d’un hélicoptère, de la vedette du Verdon, de celle d’Arcachon, d’un camion-radar, d’un véhicule tous terrains.
Grâce à ces équipements, la Douane apporte un fréquent concours à la police des pêches, dans le golfe de Gascogne. Elle intercepte périodiquement des bateaux chargés de stupéfiants qui se dirigent vers la Manche, en longeant nos côtes Atlantiques. Elle a participé à l’action récemment entreprise pour récupérer les fûts de cyanure dispersés par la tempête.
La protection de notre patrimoine artistique et culturel est l’une de ses nombreuses missions et non la moindre. Parfois un coup de projecteur de l’actualité vient éclairer la remise solennelle d’un Cézanne au musée d’Aix ou d’un Goya au musée du Louvre. Mais sait-on combien de tableaux anciens et modernes, combien de tapisseries, de meubles anciens, de statues, de pièces d’orfèvrerie, ont pu retrouver leur lieu d’origine ou enrichir gratuitement les collections nationales, grâce à l’action très motivée des douaniers ?
Ayant la responsabilité directe des administrations financières, je veillerai à la poursuite de cette action.
En second lieu, pourquoi Bordeaux ?
Poser une telle question, c’est déjà donner la réponse. Paris compte beaucoup de musées.
La Douane, administration ouverte sur l’extérieur, se devait de poser sa marque à la périphérie du pays, voire à la périphérie de la C.E.E. plutôt qu’en son centre.
Or la Douane de Bordeaux passe pour l’une des plus anciennes et peut-être pour certains, pour la plus ancienne de France.
Elle y possède, par ailleurs, ce joyau architectural, l’Hôtel des Fermes du Roi, construit de 1733 à1738 par Jacques V Gabriel, architecte du roi.
Occupé par la Ferme dès l’origine, il l’est par la Douane depuis la Révolution et se confond aussi avec l’histoire de cette administration depuis 250 ans.
Ce n’est pas tous les jours que l’on peut fêter le 250e anniversaire d’un édifice administratif.
Aussi cet événement est-il marqué par la frappe d’une très belle médaille gravée par André Bourroux qui. allie la symbolique douanière à la façade de l’Hôtel des Douanes et qui a été bien entendu frappée par notre administration des Monnaies et Médailles.
Un autre motif que nous avons de nous retrouver ici est la coïncidence entre la fin des travaux de réhabilitation de la halle de dédouanement de Jacques V Gabriel et la décision du ministre de la Culture de commémorer le souvenir de la dynastie des Gabriel, après Paris, dans les villes de provinces où le génie de cette lignée d’architectes s’est le mieux exercé : Rennes, Bordeaux, Dijon.
Informé des travaux de réhabilitation de la halle de dédouanement décidés par l’administration des Douanes pour l’installation de son musée et accomplis sous la direction de M..Fonquemie, architecte en chef des monuments historiques avec une maîtrise dont nous pouvons apprécier aujourd’hui le résultat, le ministre de la Culture nous a demandé d’abriter cette exposition à Bordeaux.
Quel cadre, en effet, peut mieux faire comprendre le génie des Gabriel que cette halle, insérée dans l’un des édifices conçus par Jacques Gabriel pour cantonner la perspective de sa place royale ?
Nous avons bien sûr accepté de retarder de quelques mois l’aménagement complet du musée pour accueillir cette exposition organisée avec le concours de la municipalité de Bordeaux et les archives municipales sous la direction de M. Avisseau.
J’ajoute que Bordeaux sera bientôt un symbole de la modernisation douanière. En effet, le chef de service interrégional a demandé d’informatiser à Bordeaux l’ensemble des procédures douanières de dédouanement. Il s’agit du Système d’Ordinateurs pour le Fret International, plus connu sous le sigle SOFI. En avril dernier, le comité national de gestion du SOF, a pris une décision en ce sens. Le nouveau système doit être opérationnel dans le courant de l’an prochain. C’est dire qu’en peu de temps un bouleverse- ment des procédures devra s’accomplir. Encore imperceptible, le mouvement est d’ores et déjà engagé.

Entretien avec M. Fonquernie, architecte en chef des monuments historiques (à gauche sur notre photo)
Bordeaux disposera ainsi d’une organisation douanière moderne pour traiter l’ensemble du trafic maritime non pétrolier. Il est envisagé, en effet, de concentrer les opérations administratives quai de Bacalan, dans l’actuel hangar 19 complètement rénové, aménagé en bureau moderne, bien situé pour le public qui aura à s’y rendre.
De son côté, le port de Bassens sera doté d’une antenne de visite située dans des locaux neufs du hangar 46. Dès le deuxième trimestre 1984. Nul doute que la capitale de l’Aquitaine deviendra ainsi une des places douanières les mieux équipées de France.
Bordeaux et sa région ont un grand bénéfice à attendre de ces projets de modernisation qui portent à la fois sur les installations et les procédures douanières.
Ils constitueront un atout supplémentaire pour les exportateurs aquitains, grâce aux efforts et au dynamisme de tous, professionnels du commerce international, port autonome, chambre de commerce et d’industrie et douaniers.
Enfin pourquoi 1983 ?
Parce que c’est aussi les 30 ans du Conseil de Coopération Douanière. Cet organisme international, dont le siège est à Bruxelles, a pour mission d’harmoniser et de simplifier, par concertation des 94 Etats-membres les réglementations et les formalités douanières entre les puissances contractantes.
En trente années de fonctionnement, le C.C.D .a accompli un travail considérable puisqu’il gère actuellement 14 conventions internationales et plus de 40 recommandations, qui permettent de rendre plus rapides les échanges commerciaux et facilitent la lutte contre la fraude sous toutes ses formes.
Au cours de sa session de juin 1983, le C.C.D. a adopté une convention sur le système harmonisé, instrument ambitieux qui propose à ses Etats-membres une nomenclature unique des marchandises répondant à la fois aux besoins des douanes, des statistiques du commerce extérieur et des transporteurs.
La France s’honore d’avoir été l’une des nations fondatrices. Il m’est aussi particulièrement agréable de rappeler, ici, en sa présence, que le directeur général des douanes françaises a été porté par ses pairs, en juin 1982, à la présidence du Conseil. Je suis particulièrement sensible à l’effort qu’ont fait les représentants de diverses administrations étrangères, elles aussi membres du Conseil et le Secrétaire général de cette institution pour être parmi nous ce soir, et nous manifester leur solidarité douanière.
Grâce à l’obligeance du ministre délégué chargé des P.T.T., les trente ans de cette jeune et vigoureuse institution sont commémorés par la sortie d’un très beau timbre gravé en taille douce, par Jacques Jubert, dont les premières oblitérations ont lieu ici même aujourd’hui. Cette figurine, qui réunit le musée des Douanes à l’œil à rayons au centre du globe terrestre, symbolise la vigilance douanière pour l’application des règles internationales de bonne conduite économique.

Les marques postales du 18e siècle, de la collection de M. Bergier de Nantes, présentées dans le cadre de l’exposition philatélique. Ci-dessus : marque d’origine » La Martinique» .Septembre 1767)
Peut-être me pardonnera-t-on de rappeler après tous ces anniversaires que l’année 1983 est aussi la trois centième depuis la mort de Colbert, l’un des fondateurs de la Douane. Non que je veuille, en cette époque de Communauté Economique Européenne, me référer à des conceptions commerciales quelque peu dépassées.
Mais il nous reste de Colbert des enseignements toujours actuels : le goût de la compétition économique, celui du travail bien fait Et cet homme de rigueur était aussi un homme de culture. Il nous approuverait certainement d’incorporer l’histoire de la Douane à la culture de nos concitoyens.
Mesdames, Messieurs,
Si j’ai tenu a être aujourd’hui à Bordeaux pour cette inauguration, c’est pour marquer ma satisfaction à l’administration des Douanes qui, bien que confrontée à des problèmes de gestion financière, n’hésite pas à sauvegarder son patrimoine en rassemblant l’essentiel de ses souvenirs dans un des plus beaux bâtiments de France et après une restauration exemplaire.
En créant un musée national en province, elle va dans le sens de la politique de décentralisation culturelle préconisée par le Gouvernement.
Enfin parce que dans cette opération, le contenant, le contenu et les hommes qui les gèrent appartiennent à une même institution, qui a toujours su concilier les traditions et le progrès.
N° 196
Mars 1984
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