Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Brève histoire du Bronx (bâtiment T41 – Ecole des douanes de La Rochelle)
Non, il ne s’agit pas du quartier populaire au nord de la métropole new-yorkaise, mais « le Bronx » est le nom donné au bâtiment T41 de l’école nationale des douanes de La Rochelle, emblématique de cette école, et au-delà de tout ce quartier de Laleu, en périphérie de La Rochelle. Ce nom aurait été donné à ce bâtiment à la fin des années 80-début années 90 par des élèves malicieux pour opposer le bâtiment flambant neuf construit à cette époque pour les premières stagiaires féminines, « le Broadway », et le bâtiment masculin, plus ancien, plus décati, au confort beaucoup plus spartiate, et donc baptisé « le Bronx ».
Les origines, l’école Henriot
Le site de Lagord est occupé dès le début des années 30, où un terrain est aménagé pour offrir deux pistes en croix de 650 mètres Un hangar de 400 m2 y est construit en 1934. L’école de pilotage de l’aéroclub de La Rochelle accueillera un illustre élève, Georges Simenon, 31e élève de l’école.
Le 18 juillet 1938, après de longues études de faisabilité et le choix d’un emplacement entre La Repentie et Laleu, une décision ministérielle autorise la création de l’aérodrome, auquel l’État participe pour moitié, la moitié restante étant répartie à parts égales entre la Chambre de commerce et la Ville. La même année, la société des avions Henriot signe une convention d’exploitation de l’aérodrome, ainsi que la création d’une école de pilotes et de mécaniciens ayant pour mission d’instruire les élèves au brevet de pilote militaire1. En novembre 1938, c’est à Georges Masse qu’est confié le projet du bâtiment de l’école de pilotage, qui deviendra le T41. C’est alors un jeune architecte parisien de 31 ans, auquel on devra notamment l’école de Saint-Cyr Coëtquidan, l’aérogare de l’aéroport de Bâle Mulhouse ou l’hôtel Méridien à la Martinique.
Le bâtiment est construit fin 1938 et sur l’année 1939. Il mesure 128 mètres de long et 11 mètres de hauteur. Le rez-de-chaussée est destiné à accueillir les salles d’enseignement et la restauration collective, les étages l’hébergement des stagiaires. Il est construit pour accueillir jusqu’à 500 personnes. Son style est dit « du mouvement moderne », c’est à dire comportant peu de décorations, à l’exception d’une corniche. Les fenêtres sont plus larges que hautes, c’est un bâtiment fonctionnel, en béton armé, bien de son époque.
La guerre et l’occupation allemande
Le bâtiment à peine terminé accueille sa première promotion d’élèves pilotes et d’élèves mécaniciens, les premiers bien moins nombreux que les seconds. Les instructeurs sont des anciens de la guerre 14-18, on apprend juste à se servir du manche pour décoller et atterrir.
La guerre va briser ce bel élan.
Après quelques mois de « drôle de guerre », les allemands envahissent la France et s’installent à La Rochelle en 1941. Avant de partir, les français sabotent tous les avions présents sur l’aérodrome. Le site accueillera alors une unité de la Luftwaffe, armée de l’air allemande dirigée par Goering. Il garde sa vocation de formation de pilotes, mais de militaires allemands cette fois. C’est aussi un lieu de repli pour aviateurs « en pause ». La base allemande de Laleu a également pour mission d’assurer la sécurité du secteur de La Pallice, qui abrite une base de sous-marins. En 1944, le secteur est bombardé par l’aviation alliée, mais le T41 n’est pas touché.
Les américains à Laleu
A la fin de la guerre et après quelques mois de vacuité, le site est occupé par l’armée américaine comme force de l’OTAN. La caserne, qui servait de site accueillant une unité de transport de troupes et un pool mécaniciens, appartenait au 11th Transportation Terminal Command B, qui comprenait le 77th Motor Pool. Le quartier général était situé caserne Aufredi (dans l’hôpital du même nom), au centre de La Rochelle. Cette base, avec deux autres stationnées à Bordeaux-Bassens et Saint-Nazaire, avaient pour mission principale la réception des cargos de ravitaillement US puis leur acheminement sur la « route logistique » vers l’Est de la France et la RFA (Kaiserslautern, Mannheim). La base abrite aussi un service de police militaire et une antenne de la CIA. Les américains construisent un gymnase, de nouveaux bâtiments, et aménagent des terrains de sport. Au T41, ils doublent les murs pour améliorer l’isolation. A leur départ en 1962, ils mandatent le gardien polonais qui va rester pour vendre tout ce qui peut l’être. L’ensemble du site, et en particulier le T41, tombe dans un état de grand délabrement.
La Douane arrive, et…y est encore !
Au début des années 60, la douane doit quitter le château de Montbéliard, qui abrite l’école des brigades des douanes depuis les années 30. Le sous-directeur à l’organisation, Max Meunier, apprend qu’un vaste ensemble bâti se trouve vacant à La Rochelle. Il y envoie un jeune rédacteur, Bernard Bertin, pour apprécier la faisabilité d’une installation de l’école.
La décision du transfert est prise et la première promotion d’élèves arrive en 1967 dans une nouvelle école partiellement rénovée, seul le rez-de-chaussée du T41 est refait, avec notamment la nouvelle cuisine et la salle à manger. Dans les étages, tout est à refaire, en chambres de 4 ou 6 personnes, les sanitaires, le chauffage. L’ensemble du bâtiment sera opérationnel en 1970. A l’extérieur, les terrains de base-ball et de football américain deviennent des terrains de rugby et de football, d’autres bâtiments seront construits au fil du temps. Ainsi installée, cette école, l’ENBD (Ecole Nationale des Brigades des Douanes), verra défiler plusieurs milliers de stagiaires. Rares seront les douaniers à ne pas l’avoir côtoyée au moins une fois dans leur vie professionnelle.
De l’ENBD à l’ENDR
Au début des années 2010, la décision est prise de fermer l’école de Rouen et de regrouper la formation des agents de catégorie B et C sur La Rochelle, dans le cadre d’un nouveau projet pédagogique. Ce nouvel élan doit s’accompagner d’une modernisation des enseignements, mais aussi des lieux de vie des stagiaires. Le Bronx, vieillot, très mal insonorisé, mal isolé, ne répond plus aux standards d’un bâtiment moderne, il devra être détruit. Avec plusieurs mois de retard en raison de la présence d’amiante, la destruction complète intervient en décembre 2018. A son emplacement sera construite une plate-forme technique de formation qui répondra aux exigences de professionnalisme toujours croissantes en ce domaine. Nul doute que pour les anciens, ce lieu sera toujours particulier, empreint de plein de souvenirs et d’émotion.
Le Bronx, n’est plus, vive l’ « ENDR » (Ecole Nationale des Douanes de La Rochelle) !
Marc Fradet