Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Le vestiaire mal aimé de 1929

Mis en ligne le 1 février 2019

En 1929, la tenue des agents du service actif a 8 ans. Le veston à double rangée de boutons adopté en 1903 a en effet été abandonné en 1921 pour céder la place à un veston à une rangée de 7 boutons et quatre poches, plus moderne.

 

 

Pourtant, en 1929, l’Administration profite d’une réforme du régime de l’habillement pour modifier l’allure des préposés et sous-officiers. Plusieurs changements sont introduits, chacun pour un succès divers.

 

 

La vareuse est, en premier lieu, retouchée : elle perd aux épaules ses épaulettes dites « américaines » et ses parements abandonnent leur liseré garance pour se transformer en un simple parement en bottes. Enfin, la patte de support de ceinturon est abandonnée, au profit d’un simple crochet. Seuls subsistent comme attributs les insignes de corps ainsi que les insignes de grade.

 

 

De manière plus visible, le pantalon bleu gris à bande garance, dont l’adoption remonte à 1852, est abandonné. A sa place, l’Administration adopte un pantalon bleu marine de couleur identique au veston, figurant un simple liseré garance.

 

 

Publicité pour le fournisseur Perchet Frères, au dos de l’éditionl’annuaire des douanes 1931.

Enfin, une tenue en drap beige kaki est adoptée. Identique dans sa coupe à la tenue de service courant en drap, elle comporte des attributs amovibles destinés à facilité son nettoyage. Elle est ainsi portée, à discrétion des chefs de circonscription, pendant les mois chauds.

 

 

Avant même son adoption, cette tenue fait l’objet de vives réserves de la part de la presse corporatiste. Alors que l’administration affiche la volonté « de conserver à la tenue un minimum de fraîcheur malgré un usage prolongé », les Annales des Douanes se montrent plus sceptiques (Annales n°35 du 29 août 1929). Les rédacteurs notent en premier lieu que la tenue « très sobre, est d’un aspect assez sévère ; elle rappelle de très près celle des Sapeurs pompiers de Paris ». Et de regretter immédiatement « que des exigences d’ordre matériel aient amené l’abandon de couleurs depuis longtemps en honneur dans le corps des douanes. […] Ainsi composé, l’uniforme des douaniers groupait dans un ensemble heureux des couleurs que les agents des brigades savaient porter avec une coquetterie souvent remarquée ».

 

 

L’expérience tourne vite court. Rapidement, la nouvelle tenue fait l’unanimité contre elle. On lui reproche d’abord, en alliant des effets de même teinte, de mal supporter l’usure du pantalon qui se défraîchit plus vite que la vareuse, là où le bleu gris antérieur permettait une dissimulation de l’usure.

 

 

Surtout, on lui reproche une trop grande rupture. On cite ainsi, et dans l’ordre que le lecteur appréciera, une confusion « avec d’autres corps, tels que les sapeurs pompiers, les facteurs et même les gardiens de la paix » (Annales des Douanes, n°46, 12 novembre 1931). C’est que la presse corporatiste y voit une volonté « d’enlever à la tenue du douanier les attributs militaires et [qui doit] conduire par degré à l’adoption d’un costume plus incontestablement civil, sinon à la suppression même de tout uniforme ». Notant que les agents des brigades « remplissent avant tout un rôle de police [certes, aux] fins et caractères propres, bien déterminés », les Annales des douanes en déduisent que l’autorité des agents trouve nécessairement en partie fondement dans sa prestance et, par conséquent, sa tenue. Notant que les agents sont les premiers contacts avec le voyageur étranger, on y affirme tout de go que « rien ne vaut, à cet égard, la tenue et la correction impeccables du douanier ». Et pour convaincre son lectorat, la revue administrative de multiplier les exemples : du danger d’arrêter en plein milieu de la nuit une automobile pour deux agents en civil à la référence au gardien de la paix parisien, dont l’uniforme « exprime l’âme collective de ce si remarquable corps […] dont le courage et la valeur professionnelle assurent si diligemment la police de la Grande Cité ».

 

 

Les Annales finissent d’ailleurs sur un vrai plaidoyer de l’uniforme qui « crée entre ceux qui le portent un lien réel, apparent, qui fortifie l’esprit de corps. Il renforce chez les agents le sentiment de solidarité ; il développe et entretient en eux la fierté d’appartenir à un corps dont la réputation de probité, de valeur professionnelle, de dévouement est solidement et justement établie. Là encore, il apporte une cohésion qui intervient dans la vie du préposé comme un facteur moral incontestable. « Se montrer digne de son uniforme’ n’est pas une expression vaine ».

 

 

La tenue du modèle 1929 aura donc cristallisé contre elle tous les mécontentements, des plus pragmatiques aux plus symboliques. Elle sera remplacée par un nouveau vestiaire par décision du 22 décembre 1931 qui rétablira surtout … le pantalon gris bleuté et la bande garance. Le liseré ne refera alors son apparition sur les tenues qu’avec l’apparition du treillis en 1994.

 

Xavier RAUCH

 

Au devant de l’article : Photographie d’une brigade des douanes (extrait), dont les deux agents de droite portent le veston 1929. Les différences (pattes d’épaule absentes, parements en botte et non en pointe sont visibles par rapport au sous-brigadier à gauche, arborant le veston 1921).
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