Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

La statistique du commerce extérieur (1791)

Mis en ligne le 1 juillet 2023

 

L’Ancien Régime avait créé un « Bureau de la balance du commerce». Le nouveau régime voulut « pour l’intérêt de toutes les administrations, qu’il existât un centre où puissent aboutir les faits et les observations sur I’universalité de l’industrie française ». Cet objectif, à la fois très moderne et très ambitieux, appelait « la formation d’un bureau central de l’administration du commerce » chargé notamment de « rassembler tous les documents politiques qu’il lui [serait] possible de recueillir sur l’étendue et les mouvements de nos relations commerciales ».

 

La responsabilité de ce « bureau central » fut confiée au ministre de l’Intérieur, mais la douane fut « naturellement appelée à concourir à cet objet d’utilité publique par tous les moyens que lui [donnaient] les registres tenus par ses préposés ». Le « plan général d’opérations administratives que postulait ce concours a fait l’objet d’une lettre de la Régie aux directeurs des douanes dont la « philosophie » et le style font le principal intérêt, comme en témoignent les extraits suivants :

 


« Pour vous donner une idée du travail dont la surveillance est confiée à vos soins, nous vous ferons observer que les opérations du bureau des archives du commerce doivent être, à l’égard de la nation, ce qu’est pour un négociant son grand-livre ou son bilan, qui lui présente la situation de ses affaires à des époques les plus rapprochées. De-là, la nécessité d’opérer avec autant de célérité que d’exactitude. Vous en jugerez, Monsieur, lorsque vous saurez que le Ministre de l’Intérieur a pris l’engagement de présenter au Corps législatif, dans le mois de juin de chaque année, le tableau complet et raisonné des différentes branches…

 


» … Voici comment doit être formée cette chaîne continue de travaux qui se partagent en deux classes ; l’une embrasse l’universalité des bureaux de terre et de mer, l’autre s’applique uniquement aux douanes maritimes.

 


» Nous commencerons par l’énumération des travaux communs à tous les bureaux.

 


»Il y aura à compter du 1″ janvier 1792 dans toutes les douanes, un registre des importations et un des exportations ; les préposés inscriront alphabétiquement, sur ces registres, toutes les marchandises importées ou exportées, qu’elles soient sujettes à des droits ou quelles en soient exemptes.

 


» Dans les douanes placées sur les frontières de terre, le registre des importations sera tenu dans les bureaux limitrophes, et le registre des exportations dans les bureaux plus intérieurs ; et cependant il sera fourni des registres d’exportations aux bureaux de l’extrême frontière, pour les marchandises exportées qui, d’après l’article 2 du titre 1er de la loi du 22 août dernier, pourront n’être présentées qu’à ces derniers bureaux.

 


» Les inspecteurs placés dans votre direction seront tenus, à mesure de leurs vérifications dans les bureaux soumis à leur inspection, de s’assurer que les registres des importations et des exportations sont des extraits fidèles de ceux de douanes, et que l’enregistrement est fait jour par jour, article par article. Ils certifieront, par leurs visas sur lesdits registres, la vérification qu’ils en auront faite et l’exactitude des enregistrements. Les inspecteurs sédentaires attachés à une douane particulière n’étant assujettis à aucune tournée ni à aucun déplacement, seront tenus de donner leurs certificats au pied de chaque état fourni par les receveurs des bureaux auxquels ils sont attachés…

 


»… Nous nous bornons aujourd’hui à vous faire remarquer que le succès de ces travaux repose sur deux bases :  l’exactitude et la célérité… Nous ne vous dissimulerons pas, Monsieur, qu’au moment où le commerce devient en France, pour un grand nombre de nos concitoyens une occupation honorable et fructueuse, nous vous imposons le devoir de provoquer et d’assurer, par tous les moyens qui vous sont confiés, l’existence des documents commerciaux qui peuvent guider le législateur dans ses dispositions pour améliorer la fortune publique.

 


» Nous exigerons donc que les opérations relatives à la balance du commerce soient considérées par tous les préposés de votre direction comme une partie essentielle de leurs occupations…

 


»… Quant à vous, Monsieur, qui, par la nature de votre place et le genre de vos connaissances, êtes à portée d’embrasser l’ensemble d’utilité d’un pareil établissement, nous ne doutons pas que vous n’y consacriez avec plaisir vos soins assidus. Vous sentirez parfaitement que le succès des opérations de la balance doit consolider l’existence des douanes, et, sous ce point de vue, l’intérêt personnel solliciterait votre attention habituelle si elle n’était pas éveillée par l’espoir de vous rendre utile à la chose publique. Jusqu’à présent, l’esprit de système est parvenu à faire établir en question si les douanes étaient véritablement utiles à la prospérité d’un grand Empire; cette question, Monsieur, sera bientôt résolue quand le Ministre viendra déposer périodiquement dans l’Assemblée nationale des résultats politiques puisés dans les livres mêmes de la régie, résultats qui établiront que chez un peuple éclairé, l’organisation des douanes n’est qu’une institution bienfaisante destinée a former le niveau entre toutes les branches de l’industrie agricole et manufacturière, et propre à faire tourner constamment les profits du commerce extérieur à l’avantage du commerce national. »

 


Le lecteur n’aura pas manqué d’observer qu’à deux reprises, l’accent est mis sur l’exactitude et la célérité dont les travaux statistiques doivent être entourés: personne ne contestera que ce type de préoccupation demeure d’actualité, même au siècle de l’informatique.

 


Quant à la phrase finale, elle rappelle les débats auxquels donna lieu le « reculement des barrières » ; elle offre aussi un exemple – l’un des premiers – des réactions qu’inspire à l’administration des douanes cette situation très particulière d’être à la fois, et parfois par les mêmes personnes, mais pour des raisons différentes, jugée inutile et indispensable, désuète et promise à un bel avenir.

 

 

Jean Clinquart

 


 

Illustration :

Hôtel Séguier

« La douane à Paris – 1790-1850 » par Claude Pélerin – Ed. AHAD – CCI Paris (1980)

 


 

L’administration des douanes en France sous la Révolution

 

Ed. AHAD

 

1978

 

 


 

 

 

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