Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Les écoles de ski de l’administration de douanes françaises (1951)

Mis en ligne le 1 mars 2023

 

 

Les écoles de ski de l’administration de douanes françaises

 

N.D.L.R. 1951  — la rédaction du Journal a demandé cette étude à M. Beldame, Chef de cabinet qui a pris une part très active à l’essor donné au ski dans notre Administration. Nous sommes persuadés qui cette étude intéressera vivement nos lecteurs et leur apportera un nouvel élément de satisfaction d’appartenir à un service dynamique décidé à s’adapter, malgré les difficultés de tous ordres, aux exigences de sa mission.

 


 

La configuration des frontières de la France est particulièrement variée puisque ses limites sont tracées, soit par des barrières essentiellement naturelles: mer, montagne, cours d’eau important; soit par une ligne définie par le seul accord des deux pays voisins au travers d’une plaine sans obstacle, comme c’est le cas pour la frontière franco-belge.

 

L’Administration des Douanes, pour mener à bien sa mission, a dû organiser ses services en fonction de ces particularités, développant au maximum la motorisation de son personnel de surveillance sur la frontière du Nord et la confiant à des vedettes rapides de surveillance dans les eaux maritimes.

 

Sur les frontières de montagne , les points de passage sont moins nombreux: le trafic commercial normal s’effectue par les grandes voies de communication qui empruntent les vallées et les cols. Des brigades de haute montagne aux penthières de surveillance étendues y assument le contrôle des échanges internationaux clandestins qui peuvent s’effectuer à travers la montagne.

 

Or, la fraude sur les frontières montagneuses de l’Est et du Sud-Est porte, notamment, sur des objets de grande valeur, sous un faible volume : articles d’horlogerie, . capitaux et matières d’or. Elle revêt, dés lors, par sa facilité, un caractère de particulière importance et le rôle des brigades de montagne est donc primordial.

 

Pendant la belle saison, les hommes qui les constituent doivent être entraînés à la rude tâche des étapes et des marches de montagne.

 

Jusqu’à une période relativement rapprochée et pendant la saison des neiges, la douane était pratiquement désarmée contre les fraudeurs, ceux-ci se déplaçant rapidement et sans peine sur la neige à l’aide de skis, d’utilisation courante parmi les populations montagnardes, alors que les agents des douanes, sans équipement d’aucune sorte devaient rester dans les villages ou sur les routes jusqu’au jour où ils furent dotés de raquettes, engins peu pratiques et ne permettant que de très courts déplacements à une vitesse extrêmement réduite.

 

Quelques années avant la guerre, l’Administration incita enfin les chefs des circonscriptions de montagne à équiper de skis le personnel des brigades spécialisées; mais il ne s’agit, là encore, que de mesures locales qui ne furent appliquées que dans quelques postes.

 

Pendant l’occupation allemande, l’usage du ski fut interdit par l’envahisseur qui saisissait l’emploi pouvant en être fait par les douaniers pour les liaisons avec l’étranger dans la lutte clandestine contre l’envahisseur.

 

A la Libération, la pratique du ski était donc, en fait, abandonnée par nos brigades de montagne.

 

Pleinement convaincu de son importance dans les circonscriptions montagnardes, le directeur général décida de réorganiser les brigades de skieurs, de les encourager en leur faisant comprendre l’importance de leur mission et de former des agents spécialistes dans des Ecoles appropriées.

 

M. Degois estimait, en outre, que la pratique du ski donnerait aux agents l’esprit d’entreprise, ainsi que l’esprit sportif et de compétition indispensables dans une Administration qui, loin de se laisser aller à vieillir veut s’adapter, en toute circonstance, aux nécessités de la vie moderne.

 

Pour réaliser ce projet, deux écoles furent créées, l’une au Hameau du Crêt (Haute-Savoie) dans un haut vallon de la Dranse de Morzine, à une altitude d’environ 1100 mètres et à une distance de 2km500 du village de Morzine où existe une station de sports d’hiver très cotée et bien équipée; l’autre dans un fort militaire du Jura dans la localité des Rousses, petite bourgade de 1500 habitants à I0 km de Morez et à 1100 mètres d’altitude sur la face nord du chaînon montagneux jurassien.

 

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Ecole de Morzine

 

 

Le centre d’instruction qui reçoit les agents des circonscriptions de la zone sud du territoire, comportant des brigades de montagne, est installé dans une École désaffectée, réparée et aménagée par l’Administration.

 

A proximité immédiate se trouvent des champs de ski variés, dépourvus de difficultés susceptibles de provoquer des accidents et, en conséquence particulièrement propices pour exercer et entraîner des débutants. A Morzine les élèves ont la possibilité d’utiliser le téléphérique du Pleney, grâce auquel les skieurs déjà expérimentés peuvent, sans fatigue, accéder au point de départ de plusieurs pistes plus ou moins difficiles à utiliser, en perfectionnant les connaissances déjà acquises sur les champs de ski du Crêt.

 

D’autre part, la situation des locaux favorable aux longues courses en montagne, facilite la formation de skieurs de fond et permet de véritables manoeuvres de recherche et de poursuite des fraudeurs, offrant le meilleur intérêt pratique.

 

Encadrement des élèves:  L’encadrement est assuré, sous le contrôle de l’Inspecteur Principal des Douanes à Thonon, par un officier commandant l’Ecole, un sous-officier gestionnaire et deux moniteurs.

 

Logement des élèves:   les élèves sont logés dans un chalet situé à 800 m du siège de l’école. Ils prennent leurs repas à l’école dans une salle suffisamment vaste, qui sert de réfectoire et de salle de conférence et de récréation.

 

Grâce à une gestion très serrée et sagement conduite, la contribution pécuniaire demandée aux élèves est des plus modeste.

 

Moyens matériels de l’école: Les skis et les tenues sont prêtés aux stagiaires par l’École. Celle-ci cède à des prix avantageux les chaussures spéciales qui sont nécessaires aux élèves, qui peuvent également, s’ils le désirent, acquérir les tenues prêtées.

 

Une voiture Jeep assure le transport du ravitaillement ainsi que celui du matériel à pied d’oeuvre. Ce véhicule peut être également utilisé à transporter les agents qui pourraient être accidentés au cours de séances d’entraînement.

 

A titre de sécurité, un traîneau spécial « Pourchier » pour le transport des blessés et une trousse médicale de première urgence viennent compléter cet équipement. Il est d’ailleurs précisé qu’aucun accident de quelque gravité n’a enregistré depuis la création de l’Ecole.

 

Possibilités de l’école: L’École peut recevoir une vingtaine d’agents au cours de chacun des deux stages qui ont lieu pendant la saison.. Le premier est réservé aux débutants, le second aux élèves ayant déjà suivi les cours de l’année précédente ou ayant déjà une certaine connaissance de la pratique du ski.

 

Enseignement donné á l’école: L’enseignement donné est surtout pratique. Des conférences sont également données aux élèves par l’officier commandant l’école.

 

Les séances d’éducation physique sont très soutenues et les professeurs s’attachent à développer chez les élèves le fond et l’endurance, de préférence à la virtuosité pure et aux grandes vitesses. Le but à atteindre est en effet d’entraîner les agents aux longues courses en montagne dans des terrains extrêmement variés.

 

A la fin de chaque stage, des épreuves de fond, de descente et de slalom permettent de classer les élèves et de décerner, à ceux qui réunissent la moyenne suffisante, le brevet  de douanier skieur.

 

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Ecole des Rousses

 

La constitution des centres de formation et d’entraînement du Haut-Jura, envisagée par l’Administration, dès l’année 1947, n’a pu être réalisée qu’au cours de l’hiver 1948-1949, après que le Général, commandant la 7° Région Militaire eut donné son accord à l’installation des élève au Fort des Rousses.

 

Chaque année, 50 douaniers skieurs, pour la plupart originaires des brigades de montagne des directions de Lyon et de Besançon, y sont pris en substance par l’Armée à charge des frais d’hébergement par les services de l’Administration des Douanes qui assument l’encadrement et l’équipement complet des stagiaires.

 

Comme à Morzine, ces élèves sont répartis en deux stages qui se succèdent du 20 décembre jusqu’à la fin de la saison d’enneigement.

 

Par ailleurs, un stage supplémentaire d’entraînement intensif est réservé aux skieurs d’élite qui participent à des épreuves sportives dans les conditions que nous exposerons á la fin de cette chronique.

 

Les moyens mis à la disposition du centre des Rousses sont équivalents à ceux dont est dotée l’école de Morzine.

 

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Les résultats obtenus tant à Morzine qu’aux Rousses sont extrêmement encourageants et, grâce aux efforts intelligents déployés par les chefs de tous grades des deux écoles, grâce également au très bon esprit et à la parfaite bonne volonté des élèves, de nombreux douaniers skieurs sont aujourd’hui obligatoirement affectés, après leur séjour dans ces centres, dans les brigades de haute montagne où, parfaitement entraînés, ils rendent les services que l’Administration se devait de demander à ces unités.

 

Les nouveaux agents qui se succéderont dans les deux centres permettront de donner aux brigades de haute montagne l’ossature qui leur est indispensable pour opposer la parade nécessaire à l’action frauduleuse des contrebandiers, des régions des Alpes, du Jura et des Pyrénées.

 

Indépendamment de ces écoles  destinées, â former des skieurs qualifiés, il est apparu à M. Degois que l’esprit d’émulation qui préside aux rencontres inter-clubs ne peut qu’élever le moral et les qualités physiques des douaniers et que la constitution d’un Club de ski, portant les couleurs de la Douane, permettrait de représenter dignement leur Administration dans les compétitions sportives organisées par la Fédération Française du Ski.

 

C’est dans cas conditions que, pour maintenir l’entrainement des agents, ainsi que pour encourager l’ esprit sportif et d’entraide qui préside à tous les exercices de haute montagne, le chef de l‘Administration des Douanes a accordé son patronage au Ski Club Alpin des Douanes Françaises, Association qui s’est constituée à Paris et qui a été déclarée à la Préfecture de Police (J.O. du 14 Janvier 1949 ).

 

Ce Club a pour propos de réunir tous les agents des services sédentaire ou actif ainsi que les membres de leurs familles qui s’intéressent à la pratique du ski. Affilié à la Fédération Française de Ski, il fait courir sous ses couleurs tous ceux de ses membres qui désirent participer aux épreuves nationales. Les statuts de ce Club ont été diffusés par le Cabinet du Directeur Général des Douanes, le 15 Janvier 1949.

 

Depuis lors, le Ski Club Alpin des Douanes Françaises a constitué deux équipes, l’une formée à Morzine, l’autre aux Rousses, qui ont été engagées depuis trois saisons dans les grandes épreuves de ski de fond de la Fédération Française de Ski.

 

Les résultats obtenus sont excellents et tant à la Coupe Montefiore, qu’aux épreuves du Championnat de France de fond, ces deux équipes se sont classées dans un rang remarquable qui les place parmi les meilleures équipes Françaises.

 

L’entrainement des champions du Ski Club Alpin des Douanes Françaises sera poussé de plus en plus et il n’est pas douteux que les douaniers pourront se classer à l’avenir au tout premier rang des formations nationales dans la spécialité du fond qui convient parfaitement à la tâche demandée aux brigades de haute montagne.

 

Pour récompenser ses meilleurs éléments qui l’ont représenté dans les grandes compétitions, le Ski Club Alpin des Douanes Françaises a décidé de leur remettre des médailles spécialement frappées à leur intention, par l’Administration des Monnaies et Médailles.

 

M. Beldame

 

 


 

Journal de formation professionnelle

 

N° 9 & 10

 

Juillet-août 1951

 


 

 

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