Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Conte de Noël
En ce rude hiver 1954, entre une « Chronique du passé » sur le « Directeur général Ferrier en 1812 » et un article sur la douane portugaise, la rédaction du Journal de formation professionnelle offrait à ses lecteurs un conte de Noël.
Un texte initialement publié en 1902 qui est l’œuvre d’un préposé corse auteur – non seulement de l’interception avec ses deux collègues, d’une embarcation de fraude et d’un acte de sauvetage en mer – mais d’un poème dont nous vous laissons savourer les sonorités…
Qui a prétendu que les gabelous n’étaient point des poètes ?
La douane littéraire
Conte de Noël
Le vingt-quatre Décembre à dix heures du soir,
Par une rude averse et par un temps très noir,
Près des vagues sans fin se livrant d’âpres luttes
Et brisant sur les bords leurs baveuses volutes,
De l’endroit dénommé l’Anfractuosité,
Point où notre service avait été porté,
Deux de nos Préposés Ohair et Gébéhesse
Perçurent tout à coup un long cri de détresse !
Bondissant hors du trou qui les tenait couverts
Dans l’ombre, à la faveur de rapides éclairs,
Ils purent distinguer touchant presque la rive
Un frêle esquif flottant dans cette alternative :
Etre en mille morceaux brisé sur les rochers,
Ou se voir happer par les flots empanachés !
Ecoutant seulement leur zèle et leur courage
Malgré l’obscurité, la mer grosse, l’orage,
Dédaignant le danger, décuplant chaque effort
Ils purent arracher quatre hommes à la mort …
Lorsqu’ils eurent tiré l’infime barque à terre
Et qu’ils en eurent fait le légal inventaire
Ils durent constater avec étonnement
Que l’on contrevenait à notre Règlement :
Tout l’arrière et l’avant, tout le sein de la cale
Etaient pleins de colis de soie et de Percale,
Nettement dépourvus de leurs formalités.
Les naufragés par eux furent tous arrêtés,
Ohair les a conduits à notre résidence,
Non sans avoir commis l’autre à la surveillance
De l’embarcation et des objets saisis.
Les délinquants qui sont arrivés tout transis
Ont reçu tous les soins dus par les lois humaines.
Je crois qu’à nos agents on payera leurs peines
Pour ce double bel acte assez original,
D’où le présent rapport, plus un procès-verbal.
J.F. Agostini
Préposé des douanes
Extrait d’un opuscule, « Les Debout » paru en Corse en 1902
Journal de la formation professionnelle
N° 42
Novembre-Décembre 1954