Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
« Patates » policières et douanières
Si le travail « en bourgeois » procure des avantages évidents en matière d’investigation, il a de tous temps soulevé un problème majeur : comment s’identifier face au public, ou aux délinquants ?
Cette problématique est d’abord résolue par la distribution aux agents de cartes attestant de leur qualité : cartes de réquisition pour les policiers – elles sont alors diverses, puisque les polices sont surtout municipales jusque 1941 – ou commissions d’emploi pour les agents des douanes. Ces dernières, qui mériteraient une étude approfondie – évoluent au fil des époques et se rapprochent, dans l’entre-deux guerres du format des cartes de réquisition policières en 2 volets. Néanmoins, ces cartes s’avèrent peu pratiques à exhiber lors d’une interpellation.
Aussi, à la fin des années 20, les différents services de sûreté français – au premier rang desquels la police judiciaire de la Préfecture de police de Paris et la Sûreté Générale – développent l’idée de doter leurs inspecteurs d’insignes métalliques susceptibles d’être exhibés facilement, et de rendre leur porteur aisément reconnaissable. La presse de l’époque se fait d’ailleurs l’écho de ces projets en 1928 en notant que le projet s’inspire de ce qui peut déjà se faire dans d’autres pays européens. La Préfecture de police de Paris est la première à se doter d’un insigne, qu’elle dote d’ailleurs de mentions différentes de celui envisagé par la Sûreté Générale. . L’insigne est officialisé par un décret du 9 octobre 1931. France Soir ira jusqu’à titrer « Les inspecteurs de la Sûreté générale ont désormais un insigne comme les shériffs américains! ».
Ces insignes sont surnommés « patates » dans le vocabulaire policier, en raison de la forme qu’ils partagent avec elle. Ils sont destinés à s’épingler au revers du col du veston de l’agent. Celui-ci n’a alors plus qu’à retourner son col pour exhiber son insigne.
Confrontés à la même nécessité de s’identifier discrètement, les agents de la division Paris Enquêtes (1932) sont très vraisemblablement influencés par la présence, à leur côté, d’inspecteurs détachés de la Sûreté Générale depuis 1935. Un insigne est ainsi adopté qui reprend quasiment à l’identique la patate modèle 1931. Seules différences : l’inscription « DOUANES » remplace fort logiquement celle de « SURETE GENERALE », le cor et la grenade se substituant aux haches du faisceau de licteur.
Le régime de Vichy se chargera, en créant la Police nationale, de modifier les insignes de poche des fonctionnaires. Tenant compte de critiques formulées – la fixation au revers du col n’est pas si pratique, les bords saillants des patates conduisent souvent à déchirer le tissu des vêtements lorsque l’insigne est dissimulé dans la poche – le nouvel insigne est rond, destiné à être accroché à une chaînette, à la manière d’une montre à gousset.
La forme de l’insigne est conservé après guerre, les motifs de l’insigne changeant pour rappeler le caractère républicain de l’institution : les lettres RF sont désormais bien en vue, et le faisceau de licteur se voit amputé de ses haches, trop facilement confondues avec la francisque, mais coiffé d’un bonnet phrygien.
Les agents du Service National d’Enquêtes Douanières ne tardent pas à adopter, dans les années 60, une médaille de poche similaire à ceux de leurs homologues policiers. Si la médaille s’inspire grandement du nouveau modèle adopté en 1968 suite à la loi Frey du 9 juillet 1966 (fusion des cadres policiers de la Préfecture de police de Paris et de la Sûreté Nationale, création de la Police nationale), elle conserve certains aspects de la médaille parisienne sur la typographie.
Plus pratiques, ces médailles peuvent être discrètement exhibées aux poinçonneurs pour monter à bord d’un bus ou d’un métro lors d’une filature.
Si le port en service de la médaille de poche décline à la fin des années 1980, plusieurs modèles seront encore tirés afin d’accompagner les commissions d’emploi dans des portefeuilles spécifiques. Certaines médailles seront alors tirées avec la mention spécifique « DNRED ».
Xavier RAUCH