Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Vous avez dit … « Risquons-Tout »?
Certains points de passage terrestres ont marqué l’histoire douanière plus que d’autres, certains parfois tout simplement grâce à leur nom. Nous avions déjà évoqué, il y a quelques mois, celui de Grossbliederstroff (1), si nous parlions cette fois « du » Risquons-Tout ?
Suggérée par un « ancien » (2) y ayant exercé durant quelques années, nous savions déjà que notre évocation ne manquerait pas de tirer quelques larmes à l’œil de ceux qui ont fait partie de ces promotions de tous grades passées au siècle dernier par Risquons-Tout.
Un regard sur la vie à la frontière avec Aimé Pommier
Ce sont les clichés d’Aimé Pommier (3) qui nous permettent de mieux redécouvrir les lieux tels qu’il les a immortalisés à la fin des années 60 ; nous en avons sélectionné plusieurs. Tout d’abord cette photo, prise devant le poste-frontière, avec un contrôle d’un véhicule de transport par un préposé de la surveillance…
… « L’intérieur d’une douane » des opérations commerciales de l’époque (service de la visite des marchandises) vu par le photographe…
… et cet instantané qui témoigne d’une activité intense lors du franchissement de la frontière :
Sur les traces du bureau de Risquons-tout avec la Mairie de Neuville-en-Ferrain (59)
Grâce à l’aimable concours de la Mairie de Neuville-en-Ferrain (4) est reproduit ci-dessous un document réalisé par ses services en 2016 intitulé « Neuville cent détours / Neuville, Terre de frontière / circuit découverte ».
Son histoire de la frontière est agréablement illustrée d’un « circuit découverte » qui évoque « le poste de douane de Risquons-Tout, autrefois situé à l’angle des rues de Gand et du chemin vert », la rue de Gand, axe de développement du quartier du Risquons-Tout ainsi que « les maisons de douaniers ».
Figurent dans ce document de nombreuses informations sur la vie à la frontière notamment sur la contrebande de pacotille ainsi que sur l’origine de l’appellation «Risquons-Tout ».
Quand Risquons-Tout avait les honneurs de la Radiotélévision française
En remontant le temps à travers la presse professionnelle, la revue « La Vie de la Douane » tente en octobre 1968 de faire un premier bilan trois mois après l’abolition des droits de douane intracommunautaires :
« Le 1er juillet 1968, les touristes (une minorité) qui s’attendaient à franchir les frontières comme de vulgaires limites interdépartementales ont été déçus. Les douaniers étaient toujours là, non pas l’arrière-garde d’une armée en déroute mais une organisation permanente, confrontée à des problèmes permanents. Le fait brut de la présence du douanier sur les frontières intracommunautaires méritait d’être examiné, sur place ».
Précisant que « l’épisode du premier juillet 1968 a été vécu différemment selon les frontières », la revue illustre son propos de cette photo d’Aimé Pommier avec la légende suivante :
Dans l’encadré « Le Saviez-vous ? » reproduit ci-dessus la Mairie de Neuville a attiré notre attention sur un reportage télévisé sur ce poste frontière en 1955 par un certain P. Tchernia. Nous avons retrouvé trace de ce reportage télévisé dans le Journal de formation professionnelle de la direction générale des douanes d’avril 1955. Faute de pouvoir reproduire l’enregistrement de l’évènement, la rédaction de la revue devait se contentait à l’époque du script… Le voici dans son intégralité :
« La Radiotélévision française a diffusé, le 29 Avril 1955 de 21h20 à 22h05 un reportage sur la Douane, réalisé par P. Tchernia et A. Tarta, de la T.V.F. L’émission intitulée « visite à un poste frontière » a été réalisée en direct selon le processus suivant :
A l’intérieur d’un café, présentation de la carte situant géographiquement le bureau de Risquons-Tout. Sur la ligne théorique de la frontière, l’un des réalisateurs matérialise cette frontière à la peinture blanche et donne des explications sur l’absence complète d’obstacle naturel… Sur le terrain, le réalisateur va de la dernière maison française à la première maison belge. Il se promène en Belgique, devant les vitrines bien achalandées, se livre à une interview humoristique d’un détaillant belge qui lui raconte quelques anecdotes sur les moyens cachés anciennement employés…
Exécution du service au bureau français : visite des voyageurs, de leurs bagages, d’une voiture ; examen et visa d’un titre de tourisme – Interview du Receveur français, pendant le passage, à la sortie d’un camion de fleurs en provenance de Nice et d’un camion de poissons à l’entrée.
Contrôle d’une voiture automobile et découverte de moyens cachés (Tabac dans la portière, dans des coussins, sous le marche-pied, dans un faux accumulateur). Explications fournies par l’Inspecteur Principal à Tourcoing et par le conducteur d’autos du G.M. de Fives… Le réalisateur entre dans le bureau et converse avec le Directeur Régional, qui fait un rapide exposé sur l’organisation de l’Administration des Douanes, sur l’intensité et la nature de la fraude.
Interview du Directeur Général enregistrée dans son bureau, rue de Rivoli et retransmise en différé….
« Vous êtes allés sur le terrain voir fonctionner mes services
– ceux de surveillance – sur une parcelle des quelques 5.000 kilomètres de frontières terrestres ou maritimes ;
– ceux des bureaux qui contrôlent le trafic commercial entre la France et l’Union Française ou l’étranger.
« C’est de ce dernier contrôle dont je désire vous dire quelques mots car il a un caractère nettement économique. Savez-vous en effet que, en 1954, il est passé en Douane :
– à l’importation : 52 millions de tonnes de marchandises d’une valeur de 1.522 milliards ;
– à l’exportation : 45 millions de tonnes d’une valeur de 1. 512 milliards ;
Cela représente des dizaines de milliers de wagons, des milliers de trains et même de navires, des centaines d’avions, dédouanés de jour et de nuit, de marchandises, soit des matières premières, denrées périssables, machines, tissus, pièces parfois très compliquées pour lesquelles a été établi un tarif de 6.000 rubriques.
C’est la douane qui vérifie tous ces produits et les documents qu’exige le contrôle du commerce et l’Office des Changes, mais, il faut y ajouter les contrôles divers, sanitaires, police, librairie.
Il convient donc de reconnaître à la fois le rôle primordial de la douane et la nécessité pour ses agents d’avoir des connaissances très approfondies qui doivent se conjuguer avec une rapidité des opérations qui est en général de règle afin que les ports, les gares, les routes puissent jouer leur rôle dans la vie moderne.
Bien entendu le côté fiscal si l’on peut dire qui apporte des ressources au Trésor ne doit pas non plus être négligé par mes services. Mais ici encore, je puis dire que par une modernisation des services qui réclame encore d’être complétée, la Douane Française s’adapte quotidiennement au développement des transports, à leur rapidité. Par exemple en matière d’aviation, si l’on retient qu’à Or/y, par exemple, la Douane fonctionne 24 h. sur 24 avec des effectifs strictement limités.
Les services de la Direction Générale des Douanes sont d’ailleurs à la disposition des industriels, commerçants français ou étrangers pour les renseigner sur les formalités et faciliter dans la mesure la plus large le développement du Commerce extérieur de notre Pays ».
L’émission est reprise, en direct, à Risquons-Tout.
L’Inspecteur-Receveur fournit quelques explications sur le trafic marchandises. Passage d’un camion… coups de sifflet et l’on assiste au franchissement, à la poursuite et à l’arrestation par les motards, d’une voiture automobile noire. Il s’agit d’un incident fictif ; l’Inspecteur Principal, Adjoint au Directeur Régional sort de la voiture et fournit des explications sur le rôle des motards. Ces explications sont complétées par une brève interview du brigadier-chef motard… Les motards repartent en sens inverse en se livrant à des exercices d’acrobatie… Le réalisateur se rend dans un café où le Capitaine de Tourcoing-Gauche, en civil est attablé avec un fraudeur « repenti » .
Interview du fraudeur, à laquelle participe le Capitaine…
En pleins champs, deux ombres chargées de ballots viennent de Belgique. Des douaniers dissimulés lancent leurs chiens à l’attaque. Arrestation d’un des fraudeurs ; l’autre s’enfuit, est rattrapé par un chien et mis en état d’arrestation. Les rôles des fraudeurs sont tenus par deux moniteurs de chiens qui sont interviewés sur le dressage des chiens de service. Un chien suit une piste tracée par le réalisateur.
Explication : les chiens sont dressés à l’odeur humaine et non, comme par le passé, à l’odeur du tabac.
Conclusion de l’émission par des explications sur l’activité de la Douane ».
* *
*
Le point de passage a connu bien d’autres épisodes jusqu’à la suppression des frontières intra-communautaires au 1er juillet 1993. Avec votre concours, nous comptons bien avoir l’occasion de revenir sur l’histoire de Risquons-Tout au détour d’une prochaine édition.
Dans cette perspective, n’hésitez pas à nous faire part de vos témoignages, commentaires ou de documents sur la vie quotidienne de ce service en utilisant la rubrique « Nous contacter » en haut de notre page d’accueil.
Patrick Deunet
Notes :
(1) Pour consulter cet article cliquez ici;
(2) L’équipe de rédaction remercie Jean Sliwa pour l’aide apportée pour la réalisation de cet article;
(3) Aimé Pommier fut le photographe attitré de la Direction générale des douanes des années 50 à 70;
(4) Tous nos remerciements à la Mairie de Neuville-en-Ferrain pour son autorisation de reproduction du document;
Adresse Internet: https://www.neuville-en-ferrain.fr/
lien-source : chemins-pédestres-2016-Neuville100détours-au-12082016 de la Commune de Neuville-en-Ferrain
Journal de formation professionnelle
N° 46
Avril 1955
La Vie de la Douane
N° 141
1968