Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

L’imprimerie et le développement des écrits douaniers

Mis en ligne le 1 janvier 2022

La matière douanière a suscité, et elle continue à susciter, une littérature imprimée relativement abondante.

 

 

Cette situation n’est pas très ancienne puisqu’elle a pris naissance au XVIIIème siècle et ne s’est vraiment affirmée qu’au XIXème siècle. Elle est en grande partie le fait de l’administration des douanes elle-même qui, pour la satisfaction de ses besoins internes et l’information des usagers, a découvert peu à peu les avantages de l’imprimerie.

 

Mais elle est aussi le fait d’initiatives privées. Au siècle des lumières déjà, après la Révolution surtout, des praticiens -fonctionnaires ou hommes de loi- ont publié des ouvrages techniques, cependant que les économistes et hommes politiques traitaient de politique douanière dans des publications de caractère dogmatique, voire polémique.

 

Il est possible de consulter en bibliothèque un grand nombre d’ouvrages, en particulier ceux qui ont pour auteurs d’éminents fonctionnaires des douanes et visaient pour partie à combler une lacune : l’absence de documentation administrative méthodique et par conséquent aisément consultable. L’un des plus connus de ces fonctionnaires est Vivent Magnien dont on possède une dizaine d’ouvrages.

 

Parmi les plus intéressants d’entre eux figure une édition savamment commentée de l’Ordonnance Royale de 1687 «sur le fait des Cinq Grosses Fermes» publiée à la veille de la Révolution. Magnien, agent de la Ferme Générale, était alors tenu pour l’une des trois ou quatre personnes par génération qui, selon Necker, maitrisaient une matière d’une extravagante complexité.

 

La notoriété que Magnien s’était acquise, grâce à ses travaux personnels et à son importante contribution aux projets de réforme conçus dans l’entourage du ministre Trutaine, lui valurent, après la création de la Régie nationale des douanes, d’accéder aux postes de Régisseur, puis d’Administrateur, qu’il occupa jusqu’en 1811.

 

Une autre œuvre de Magnien, parue en 1809 et réalisée en collaboration avec Deu, receveur principal des douanes de Rouen, mérite d’être évoquée. Il s’agit d’un « Dictionnaire » des produits alimentant le commerce extérieur.

 

Cet ouvrage en deux gros volumes qui constitue une véritable encyclopédie, est l’ancêtre des «Répertoires» et «Notes explicatives» du tarif des douanes.

 

La voie ainsi ouverte par un homme de la qualité de Magnien fut suivie par un certain nombre d’autres fonctionnaires des douanes : à partir du début du XIXème siècle, les écrits de cette nature se multiplièrent, encouragés par la direction générale des douanes et accueillis avec faveur par les fonctionnaires de cette administration.

 

Il faut dire qu’à cette époque le mode usuel de transmission des textes applicables par les agents des douanes demeurait la reproduction manuscrite selon un système de démultiplication d’une fiabilité parfois douteuse, mais d’une lenteur certaine.

 

 

Au niveau des cellules de base, les «registres d’ordre» fournissent un recueil à peu près chronologique d’instructions dont la consultation s’avérait difficile. On trouvait pêle-mêle les lois douanières, notamment les lois tarifaires, circulaires d’application et, d’une manière générale, toutes les directives émanant aussi bien de l’administration centrale que des directeurs régionaux.

 

La loi douanière fondamentale -celle de 1791- faisait obligation à chaque receveur de posséder un tarif «au courant» (c’est à dire à jour) et de le tenir à la disposition du public. Le tarif originel avait bien été imprimé, mais de multiples modifications étaient intervenues entretemps et l’on n’avait pas procédé à la refonte du texte de base.

 

L’aventure des Cent-jours eut pour effet de retarder la remise en ordre décidée par le gouvernement de la Première Restauration, remise en ordre que rendait particulièrement urgente la levée des prohibitions édictées sous l’Empire dans le cadre du Blocus. Il fallut attendre la loi de finances de 1816 pour que, la révision opérée, on prit la décision de publier le nouveau tarif. Celui-ci parut effectivement en annexe à un arrêté ministériel de juin 1816.

 

L’intérêt de cet événement, fort banal en apparence, est important pour deux raisons. La première de ces raisons est que le texte ainsi publié comportait plus que l’indication des droits applicables à chaque rubrique d’une nomenclature des produits ; il était précédé d’«Observations Préliminaires» rappelant les principes de la procédure de dédouanement – «les détails de la perception» – et appelé à servir «de règle exclusive dans l’application des diverses lois portant des taxes de douane».

 

Il s’agissait d’un document faisant la synthèse de prescriptions jusqu’alors éparses, c’est-à-dire d’un «règlement».

 

Ces «observations préliminaires» étaient promises à un bel avenir. Elles allaient au fil des années prendre un développement de plus en plus important et constituer, à elles seules, un volume de plus en plus épais.

L’essentiel de la réglementation douanière y serait réuni de manière méthodique, si bien que, pour des générations de douaniers et jusqu’aux années 1950, les «observations préliminaires» -les O.P.- constituèrent une Bible quant à la sûreté de la doctrine et un Bréviaire quant à la fréquence de leur consultation.

 

Mais le progrès ainsi réalisé (et c’est la seconde des raisons pour laquelle l’année 1816 constitue une référence importante dans l’histoire de la documentation administrative) tient aussi à la diffusion qui fut faite de ce «tarif officiel sous forme imprimée» : il en fut fourni «un nombre suffisant d’exemplaires» pour qu’il en soit de suite déposé un dans chaque bureau, voire même deux ou davantage dans «les douanes où les opérations de la recette sont divisées».

 

Qui mieux est, on publia et on diffusa à nouveau l’année suivante un «tarif officiel mis au courant», et l’usage s’établit ainsi de rééditer le tarif au fur et à mesure que les lois douanières y introduisaient des modifications substantielles.

 

C’est sensiblement à la même époque que les «circulaires», comme les lois, ordonnances, décrets et arrêtés dont elles assuraient la transmission, firent l’objet d’une diffusion systématique par la voie de l’impression.

 

 

L’initiative en fut prise par le directeur général Ferrier durant les Cent-jours, de même que la numérotation de ces documents dans une série continue.

 

Cette importante réforme (qui permettait de mettre un terme à la transcription manuscrite sur les registres d’ordre d’un nombre considérable de documents) n ‘atteignit qu’à partir de 1820 son degré de perfection.

 

Dans l’intervalle, la direction générale s’employa à faire réunir et publier une collection historique, sinon complète, du moins fort riche, des documents douaniers législatifs, réglementaires et jurisprudentiels parus depuis la Révolution».

 

«Il manquait aux employés des douanes, qui veulent s’instruire, aussi bien qu’aux employés les plus instruits, est-il dit dans un texte de 1818, un bon recueil de nos lois et règlements. La réunion et le choix des matériaux devaient nécessiter un travail long, ingrat, et que tout le monde n’était pas à portée d’entreprendre».

 

L’élaboration de cet «ouvrage fondamental» fut confiée à un fonctionnaire de l’administration centrale dont l’identité ne nous est malheureusement pas connue. A la fin de 1818, en tout cas, paraissaient les sept premiers volumes de ce qui allait constituer la collection dite de Lille (parce qu’imprimée à Lille, chez L. DANEL) des «lois et règlements des douanes françaises».

 

Cette première série couvrait la période allant de 1789 à la Première Restauration. Parallèlement, on constituait en «recueils» les circulaires diffusées sous forme imprimée depuis les Cent-jours.

 

 

Mais, outre que cette opération laissait subsister une lacune correspondant à la Première Restauration, on s’aperçut qu’il existait entre ces «recueils» et la collection de Lille une différence de conception qui ne plaidait pas en faveur des premiers.

 

Ainsi n’y trouvait-on aucune trace des arrêts de cassation qui fixent les points, de jurisprudence» et, bien entendu, des instructions encore diffusées manuscritement mais «dont l’exécution n’était pas purement de circonstance».

 

Il parut judicieux de corriger cette anomalie en donnant une «seconde partie» à la collection de Lille. Cette suite, en cinq volumes, parut en 1820 et couvrit la période allant d’avril 1814 à la fin de 1819.

 

On avait repris plus du double de documents que n’en contenaient les «recueils des circulaires courantes». La leçon fut retenue et la décision prise d’«agrandir le système de transmission des lois et des circulaires courantes».

 

A compter du 1er janvier 1820, ce furent toutes les circulaires d’intérêt durable, toutes lois et ordonnances relatives aux douanes, ainsi que les documents de jurisprudence importants, qui firent l’objet d’une impression systématique.

 

On prit même soin d’adapter «le caractère et le format» de la collection de Lille, afin que, réunis annuellement en «recueils», ces publications formassent «la suite naturelle et le complément» de cette collection dont des tables chronologiques et alphabétiques annuelles ou pluriannuelles faciliteraient la consultation.

 

Les dispositions ainsi arrêtées allaient être méthodiquement appliquées jusqu’au milieu du XXème siècle, plus exactement jusqu’à ce que le Bulletin Officiel des Douanes serve de support unique à la diffusion des textes douaniers.

 

Jean Clinquart

 


 

 

La Vie de la douane

 

n° 183

 

Mars 1980

 


 

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