Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
Le nouvel Hôtel des douanes de la direction régionale de Caen
Nous présentons ci-après une nouvelle réalisation du Bureau du matériel. Nous remercions M. le Directeur régional à Caen de l’article et des photos qu’il a bien voulu nous faire parvenir.
N.D.L.R. – JFP – 1955 (rubrique « Modernisation et productivité »)
Le 2 juillet dernier, M. Davoine, Administrateur, représentant le Directeur Général, a inauguré le nouvel hôtel des douanes de Caen, 44, quai Vendeuvre où les services sont installés depuis le milieu du mois d’avril. M. Davoine était accompagné de M. Bieth, Administrateur Civil.
Le nouvel immeuble situé à peu près à l’emplacement de l’ancienne Recette Principale appartient comme lui à la ville et ce n’est pas sans peine que l’Administration a obtenu de cette dernière qu’elle veuille bien utiliser ses dommages de guerre à la reconstruction de l’Hôtel des Douanes.
Les locaux comprennent :
Au rez-de-chaussée, la Recette Principale et la Section, le Cabinet du Receveur Principal et celui de l’Inspecteur Principal et de son secrétaire, le logement du concierge.
Un élégant escalier mène à la Direction située au 1er étage. Sur le palier on trouve le central téléphonique, la salle de dactylographie; à droite, s’ouvre le Cabinet du Directeur et celui du Chef des bureaux. A gauche, s’amorce un couloir qui conduit aux bureaux des rédacteurs et à celui de l’officier d’Administration. Au fond, une salle en cours d’installation est destinée à servir de salle d’examen et de salle d’étude. Elle comportera une importante bibliothèque.
Les sols sont revêtus de linoléum vert. Les murs sont peints couleur crème. Le mobilier est partie chêne clair, partie métallique. Il sera prochainement complété. Les aménagements intérieurs ont été réalisés par trois préposés…
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Certes, bien des directions furent sinistrées au cours de la guerre, bien des immeubles furent démolis.
A Caen, les choses se compliquaient du fait que cette circonscription n’existait pas avant guerre, qu’à la Libération l’immeuble de la Recette Principale était détruit, que la Ville n’était qu’un désert de ruines et que le personnel de la Direction avait été décimé à Rouen par le bombardement du 30 mai 1944.
C’est donc une équipe squelettique qui, un matin de juin 1945, débarqua à Caen Le Directeur était entouré tout simplement d’un Chef de bureau fraîchement nommé, de deux rédacteurs et d’une dactylo. Le Receveur Principal de l’époque – M. André – qui avait tout perdu dans la bataille, avait cependant pu mettre la main sur deux immeubles, l’un à usage de logement, l’autre à usage de bureau. A l’un comme à l’autre, il ne manquait guère qu’un toit, des portes et des fenêtres pour être parfaitement confortables à condition toutefois reboucher les lézardes des murs.
C’est dans ces conditions que la machine commença à tourner … mal, puis de mieux en mieux jusqu’à ce 2 Juillet 1955 qui marque réellement la résurrection de notre Administration à Caen.
Ce jour là donc à11h.35, M. Davoine accompagné du Préfet du Calvados, pénétrait dans le halI du rez-de-chaussée où se tenaient une cinquantaine de personnalités dont le représentant du Maire, absent de Caen, le Secrétaire général de la mairie, le Président de la Chambre de Commerce, et le Secrétaire général, le Colonel Lassere,. représentant le Commandant de la Subdivision, le Colonel Lassalle-Astis, commandant la base aérienne, l’Administrateur de l’Inscription Maritime, le Premier Président de la Cour d’Appel, le Président du Tribunal, le Procureur de la République, le Trésorier Payeur Général, le Directeur de la Banque de France, les Directeurs des autres régies financières et toutes les notabilités du monde commercial caennais.
En attendant le commencement de la cérémonie, des plaquettes, formées des dépliants édités par l’Ecole accompagnés d’un commentaire destiné à nous faire mieux connaître, avaient été remises aux invités.
Après un court historique de la Médaille Douanière, le Directeur remit cet insigne à un sous-officier de la brigade locale.
Puis ce fut la visite des locaux dont les visiteurs apprécièrent la disposition et la commodité.
Le Directeur prit alors la parole :
« Monsieur l’Administrateur,
C’est au nom de tout le personnel de la Direction que je vous remercie d’être venu, représentant M. le Directeur Général empêché, inaugurer – cet immeuble. Je remercie égaiement M. Biethe, Administrateur Civil . qui vous a accompagné. Je salue M. Le Préfet, M. le Premier Adjoint représentant M. le Maire, M. le Président de la Chambre de Commerce et toutes les Personnalités civiles et militaires qui nous honorent de leur présence.
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C’est dans le cadre d’un remaniement des circonscriptions que fut créée en 1942 la Direction de Caen par prélèvement sur les circonscriptions. de Saint-Malo et de Rouen. Jusqu’à cette époque, la Recette Principale de Caen dépendait de la Direction de Rouen. Son premier Directeur fut M. Soufflet, empêché parles Allemands de s’établir dans la zone côtière, M. Soufflet s’installa avec ses rédacteurs dans le vaste immeuble de la Direction de Rouen qui le long de la Seine s’enorgueillissait de ses cariatides de David d’Angers et de son haut relief de Coustou.
Coupée de tournées dans le Calvados, la vie administrative s’organisa jusqu’à ce matin du 30 mai 1944 où, prélude au débarquement quatre bombes de fort calibre rasèrent l’Hôtel des Douanes de Rouen ensevelissant près de 200 personnes sous les débris de sa somptueuse architecture…
Parmi les morts, on releva 37 agents des Douanes dont le Directeur à Caen et ses rédacteurs tués à leur poste..
Je n’ai pas la prétention d’impressionner les Caennais avec ce récit. Quelques jours plus tard, ils devaient commencer à payer à leur tour un bien lourd tribut. Mais j’ai pensé que nous ne pouvions laisser passer ce jour de fête sans évoquer le souvenir de ceux que le Destin avait marqués comme prix de la Libération.
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Quand le nouveau Directeur débarqua à Caen en décembre 1944 dans un univers de ruines avec mission de trouver des locaux pour installer des bureaux et loger du-personnel, il fut fraîchement reçu par les autorités locales, on s’en doute. Je ne leur en veux pas. En moi-même, je comprenais fort bien leur étonnement. Il faut croire cependant qu’avec du temps, de la patience et de la bonne volonté tout fini par s’arranger puisque nous sommes ici.
On se fixa d’abord rue Basse, puis quai de la Londe. Le M.R.U. nous construisit une baraque en bois, puis un bâtiment en demi dur. A tous ceux qui nous aidèrent en ces temps difficiles, je dis merci. Mais les bâtiments étaient vétustes ou de construction médiocre. Ils s’abimèrent vite.
Et voici qu’en un temps record a surgi cet immeuble clair, moderne et spacieux.
Soyez-en remercié M. le Maire qui avez pris la décision de reconstruire en beaucoup mieux le vieil immeuble détruit le 6 juin 1944. Votre décision nous a évité d’aller chercher, sur le territoire de la Direction entre Berville et le Mont Saint Michel, une autre localité d’accueil moins bien située géographiquement et administrativement. Je•remercie aussi M. Delacroix, architecte, qui a conçu les locaux que vous venez de visiter. Je remercie enfin l’Administration qui nous a meublés décemment.
L’Administration des Douanes possède maintenant à Caen le cadre qu’elle mérite par l’importance du rôle qu’elle joue dans la protection de l’Economie Nationale.
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Et pourtant combien ce rôle est inconnu et méconnu même dans les milieux qui devraient être les mieux informés à cet égard, C’est pour appliquer une réglementation complexe destinée à soutenir nos producteurs que nos agents examinent à l’importation comme à l’exportation les marchandises que trains, cargos, camions et avions déversent devant leurs bureaux. C’est là, une tâche essentielle.
Mais, nécessairement cet examen doit porter aussi sur les bagages des voyageurs. C’est là, une tâche secondaire.
C’est pourtant sous cet aspect de « fouilleur de valises » et de « chercheur de tabac » que le public voit le douanier. Il ignore le travail de nos Inspecteurs qui au cours d’une journée accomplissent sur les matières les plus diverses un véritable métier d’expert et doivent sinon tout savoir, du moins tout présumer.
Le hall d’entrée, à gauche, la section et le bureau de l’Inspecteur Central. A droite, sont installés le caissier et un Inspecteur de visite. Le couloir donne accès à la Recette Principale, au Cabinet du Receveur Principal et à celui de l’Inspecteur Principal.
Quand la presse signale que 80% des produits sont libérés, combien se figurent que 80 % des produits importés n’acquittent plus de droits de douane et s’étonnent de rencontrer encore des douaniers sur nos frontières. Cela veut dire tout simplement que 80 % des positions tarifaires (plus de 2.000) sont libérées de l’obligation de la licence. Mais les produits ainsi touchés acquittent en échange et en sus des droits une taxe de 10 à 15 %. C’est donc, en fait tout le contraire de ce que croient certains.
On parle beaucoup de l’Europe et nombreux sont ceux qui voient pour demain la disparition totale des barrières douanières sans envisager le chômage qui résulterait d’un brusque afflux de produits étrangers sur notre sol. Sans doute l’Europe se fera-t-elle mais lentement et prudemment après la réalisation de conditions préliminaires indispensables.
Dans cette évolution, l’Administration des Douanes continuera de jouer son rôle sous des formes diverses successives. Et une fois le but atteint, prolongée par les Douanes des pays voisins elle tournera ses regards uniquement vers le large afin de protéger la nouvelle nation européenne. Pour le moment, contentons nous de formuler des vœux à la prospérité de notre économie nationale et en particulier à la prospérité grandissante du port de Caen qui nous est chère à tous ».
M. Davoine à son tour évoqua la mémoire des disparus et forma le vœu que les nouvelles installations facilitent les rapports entre l’Administration et les usagers Le préfet du Calvados marqua sa satisfaction de voir entrer successivement en service les édifices destinés aux Administrations, témoignage de la renaissance de la cité. Après quoi un vin d’honneur fut servi. Le service d’ordre était assuré par un piquet d’honneur dont l’impeccable tenue a été particulièrement remarquée.
Journal de formation professionnelle
n°49
Juillet-août 1955