Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
La « hobette » des douanes
La hobette des douanes
On connaît le vocable de baraque – abri, ou aubette, mais moins « la hobette » qui désigne pourtant exactement la même chose.
Empruntons à Michel Tamine (1) la définition suivante :
Hobette (n.f) : poste de douane; d’une manière plus générale, maisonnette. Le mot reste assez vivant: dans l’est des Ardennes, il désigne des bottes de céréales dréssées pour sécher. En Wallonie, il s’applique aux abris d’autobus. Là encore, l’ancêtre est germanique (ancien francique): « hgriba » (bonnet, comme).
Des abris provisoires
Ces abris jalonnaient autrefois la frontière et servaient de point fixe où le douanier embusqué pouvait surveiller les quatre coins cardinaux. L’examen des cartes de penthères du début du siècle nous montre que ces petits édicules foisonnaient.
Leur construction sur le domaine communal semble avoir été réalisée avec une assez grande liberté vis à vis des règles du permis de construire, et même, des règles domaniales. Car en effet celles qui subsistent ne figurent plus sur aucun inventaire administratif si elles y ont jamais figuré, et il ne semble pas exister de dossier doma- nial. Probablement le caractère provisoire de ces constructions explique-t-il cela.
La surveillance statique
On imagine bien les douaniers de l’époque dans un paysau climat difficile venir prendre leur service dans la « hobette ». La première préoccupation – ou occupation ? – était sans doute de faire du feu. Les douaniers n’oubliaient pas d’emporter avec eux « le Gummi » mot inventé pour désigner de petites lanières de caoutchouc découpées dans une vieille chambre à air, et qui servaient à faire partir le feu, même avec un bois humide. La fumée de la cheminée renseignait immédiatement le contrebandier sur la présence du douanier, dès lors les prises devaient être rares.
Ce fut pourtant à la hobette du premier Chaîneau, située sur la route de Monthermé maintenant disparue que le 16 janvier 1961, 6 individus d’un commando FLN porteurs d’armes furent appréhendés. Ces abris en plus ou moins bon état existèrent dans les Ardennes jusque dans les années 1970. A cette date, on se rendit compte que leur utilisation n’était plus compatible avec la mobilité que l’on voulait donner au service de surveillance et celles qui restaient furent abattues.
Une construction en bois
La hobette de La Taillette fut oubliée. Bien que située à environ 5 km de Rocroi, elle est située sur une route aboutissant dans un champ, qui tel un glacis surplombe le territoire belge. Ceci à quelques kilomètres également du leiu ou le duc d’Enghien s’illustra en le 19 mai 1643 en battant les espagnols. La carte de la penthière de la brigage de la Taillette de 1885 montre que le glacis à cette date portait l’emplacement d’une batterie. Puis des fortifications y furent construites avant 1914. Il existe encore aujourd’hui deux blockhaus.
Cette brigade existait encore en 1938 mais fut probablement supprimée après la 2ème guerre mondiale. La pauvreté, pour ne pas dire l’absence de circulation sur cetteroute, explique sans doute pourquoi ce point disparut très rapidement des points de surveillance habituelles et que la hobette franchit sans dommage le siècle. Construite au carrefour GODART elle se situe sur l’accotement. La lecture des points désignant les positions nous apprend qu’en 1885, le lieu était désigné sous le vocable « café du camp ». Probablement un habile cafetier profitait-il à lafois de l’implantation militaire située à 1 km en avant de la hobette, et également de la présence douanière…
Une petite fenêtre sur chaque faces permettait une surveillance sur les quatre points cardinaux. Elle est construite en pin. Ces abris étaient uniformément peint en vert. L’intérieur est recouvert de frisettes, à gauche de la porte une table est intégrée à la construction, ainsi qu’une petite banquette qui elle est perpendiculaire. Le poêle de petite dimension occupait l’angle face à la porte. Le toit asymétrique permettait l’existence d’un petit préau suffisant pour abriter deux bicyclettes ou une petite réserve de bois. Le toit en plaque de fibro ciment ondulé indique un effort d’entretien que nous datons des années 1950.
On ne sait pas quel fut le dernier service qui s’y rendit « On ne sait jamais quand c’est la dernière fois des choses ». Probablement le dernier douanier qui ferma la porte de lahobette ne savait-il pas qu’il la fermait pour de longues années.
La même description s’applique à l’aubette de Hautes Rivières. Construite sur le « chemin des baraques », à l’extrême frontière elle est effectivement à 600 mètres de la « baraque Laurent ». Elle fut utilisée comme point de contrôle jusqu’en 1971.
Aujourd’hui grâce aux efforts diligents de la Direction Régionale de Reims et du service des domaines l’édicule de la Taillette est en voie d’être remis à la municipalité qui se préocuupe de sa restauration dans le cadre de la conservation du patrimoine communal.
Qui sera preneur de la hobette de Hautes Rivières ?
Enfin quelques cent mètres à gauche après l’ancien bureau de Linchamps une hobette en pin, dressée plantéedans le sol a été construite avant la seconde guerre. Cet abri existe toujours malgré son extrême rusticité, quelques chasseurs s’y embusquent de temps à autre…
Jean-François Beaufrère
(1) Michel Tamine: Docteur en linguistique (Paris 13, 1991). – Professeur de linguistique à l’IUFM de Reims, directeur du Centre d’étude du patrimoine linguistique et ethnologique de Champagne-Ardenne (en 2004) (bnf data). Auteur d’une thèse sur les noms de lieux des Ardennes. (NDLR 2020)
Cahiers d’histoire des douanes
et droits indirects
N° 14
Juillet 1993