Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

La Gare douanière d’Avricourt, symbole de la guerre de 1870

Mis en ligne le 1 juillet 2021

Les modifications de tracé des frontières ont souvent conduit à la création d’infrastructures spécifiques, voire à la construction de cités frontalières.

 

Le 26 février 1871, la France doit se soumettre au Traité de Versailles qui règle au plan diplomatique la situation issue de la défaite française de 1870. Les préliminaires de paix sont engagés et la France doit se résoudre à la perte de l’Alsace et d’une partie de la Moselle. De surcroît, elle doit régler 5 milliards de francs-or, échelonnés sur 3 ans et assurer un retrait en bon ordre des populations.

Avant 1871, la commune d’Avricourt se situe dans le département de la Meurthe, canton de Sarrebourg.

 

Elle constitue alors un nœud ferroviaire sur la ligne Paris – Strasbourg depuis 1852, permettant la jonction vers la « ligne des salines » exploitée à compter de 1864 par la compagnie de l’Est.

 

Gare du « Nouvel Avricourt » créée en 1871

Suite aux discussions sur le tracé de la frontière, Avricourt se retrouve sur la ligne de démarcation. L’intérêt de l’Allemagne consiste en effet à contrôler le parcours de la ligne ferroviaire entre Paris et l’Europe de l’Est.

 

À son origine, elle devait faire office de barrière douanière sur la ligne Paris-Strasbourg. Seul l’Orient Express pouvait la traverser sans que ses voyageurs n’aient à se plier à de fastidieux contrôles douaniers.

 

A la frontière allemande : vérification des passeports à la gare de Deutsch-Avricourt

 

Le train légendaire venait de Paris, passait la Lorraine et s’engouffrait dans l’Empire allemand, l’Autriche-Hongrie.

 

En 1870, la ligne privée d’Avricourt-Blâmont-Cirey-sur-Vezouze est mise en service (ligne ABC). Après l’Annexion, le tracé de la nouvelle frontière coupe par deux fois les lignes, handicap certain pour le trafic commercial (bois, céréales et manufacture des glaces de Cirey) et les voyageurs qui perdent beaucoup de temps.

 

Par une convention signée le 12 octobre 1871 à Berlin, l’Allemagne rend la commune d’Igney et une partie de celle d’Avricourt (aujourd’hui en Meurthe-et-Moselle) avec la gare à la France. En contrepartie, la France s’engage à financer la construction d’une nouvelle gare frontière dans la partie allemande, c’est la naissance de Deutsch-Avricourt.

 

« La gare de Deutsch-Avricourt est une gare frontière mise en service en 1875. À la suite du traité de Francfort mettant fin à la guerre franco-allemande de 1870-1871, elle a été payée par la France, bien que située sur le nouveau territoire allemand de la Moselle annexée », détaille Jean Étienne dans un l’édition du 2 novembre 2019 du Républicain Lorrain.

 

Vue aérienne d’Avricourt (crédit : l’Europe vue du ciel )

La gare est un bâtiment imposant, véritable manifeste politique, face à la petite gare française d’Igney-Avricourt située à 300 m. Le bâtiment, aujourd’hui amputé d’une partie lors du 1er conflit mondial, mesurait 100 m de long sur 18 m de large. De style néo-roman comme à Metz, construit en pierre de taille, il est doté de quatre tours d’angle, de cinquante-sept fenêtres et dix portes dont une centrale dotée d’un escalier monumental.

 

La gare d’Avricourt a été dessinée par l’architecte allemand Eduard Jacobsthal, par ailleurs à l’origine de la gare de Strasbourg et de l’ancienne gare de Metz. Les trains français circulaient à gauche, ils s’arrêtaient au terminus de la gare de Deutsch-Avricourt.

 

Les passagers étaient alors débarqués et aussitôt le train repartait à vide stationner en gare d’Igney-Avricourt. Les voyageurs disposaient de trois salles d’attente et de deux buffets pour patienter entre les contrôles policiers, douaniers et le changement de locomotive.

Plan de la colonie d’Avricourt « Colonie administrative » (crédit : CG57/AD)

 

La création de cette grande gare frontalière conduit le Reich et son nouveau Land « Elsass-Lothringen » à établir une colonie, correspondant aux effectifs administratifs pour surveiller la frontière et le trafic ferroviaire.

 

La gare d’Avricourt reconnue monument historique en 2019

Une poste est construite à côté de la gare ainsi qu’une grande halle aux marchandises et une rotonde de dépôt pour les locomotives à vapeur. L’électrification des lignes, après la guerre, entraine la disparition du dépôt. En 1969, la gare est définitivement fermée à tout trafic. En 1983, la poste est détruite. La gare est rachetée par une association en 1985.

 

L’ancienne gare allemande d’Avricourt, inscrite aux Monuments historiques, pourrait être réhabilitée et devenir une salle de réception – Photo Républicain Lorrain

 

Gare fantôme, elle connaît une véritable renaissance, grâce à l’action d’historiens passionnés.

 

La Direction régionale des affaires culturelles (Drac) Grand Est de Strasbourg a présenté son dossier de demande de classement au patrimoine historique, lors d’une commission du patrimoine réunie à Metz le 6 décembre 2018.
Dans son arrêté, le préfet met l’accent sur une caractéristique exceptionnelle du monument : « Cette gare représente la seule cité ferroviaire et douanière en France qui soit une commune à elle seule. »

 

« Sa dégradation semblait inexorable si un enfant de Sarrebourg n’en était tombé amoureux au point de la racheter en 2018. Il a alors voulu la restaurer pour un faire un lieu de festivités. Mais sa sagesse l’a incité à en demander la protection au titre des Monuments historiques pour pouvoir bénéficier des conseils d’experts », rapporte Jean Étienne.

 

Pour aller plus loin :

Patrimoine et histoire Grand Est : la colonie de Deutsch-Avricourt

Remerciements au service documentation du journal le Républicain Lorrain.

Arnaud Picard
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