Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes
« La douane française au combat » (1870) par Raphaël Schneider (2e extrait)
Nous vous invitons à découvrir, en avant première, un second extrait de l’ouvrage de Raphaël Schneider « La douane française au combat: de Mandrin à la Libération » (voir souscription). Nous le remercions d’avoir bien voulu nous en réserver la primeur. L’extrait concerné retrace plus particulièrement la fin du conflit de 1870-1871.
L’équipe de rédaction
Les derniers combats pour la défense nationale
Les douaniers non engagés dans les sièges ou déjà faits prisonniers, luttent dont avec les mobiles, la garde nationale sédentaire et les corps francs qui se sont formés sur tout le territoire. Près de 600 000 hommes et 750 bataillons sont ainsi mobilisés et la moitié est incorporée dans les douze corps d’armée que la Délégation de Tours réussit à mettre sur pied en cinq mois.
L’armée du Nord, sous Faidherbe, compte dans ses rangs des unités provenant des directions de Dunkerque, Lille et Valenciennes. Cette dernière a réussi à former trois compagnies de guides de 58, 54 et 47 hommes avec, pour encadrer tout ça, le capitaine Loménil, les lieutenants Sindély, Grivilliers et Jourdan, cinq sergents (Aubert, Berteau, Poncin, Audin et Lépée) ainsi que neuf caporaux. Le caporal Meiller est distingué par la médaille militaire. Celle de Lille constitue une compagnie de 115 douaniers. La direction de Dunkerque fournie une compagnie de 130 guides sous les ordres du capitaine Reveillon, du lieutenant Dardenne, des sous-lieutenants Pocholle et Leys, Darras faisant fonction d’adjudant, Longueval de sergent-major et Colombel de sergent-fourrier. Les sergents Barbier, Sagary, Darcourt, Thery, Gacens, Leys, Lescarmontier et Raccon commandant à 17 caporaux, 2 clairons (Gittinger et Haw) et 105 soldats. Ces unités sont fondues dans un 1er bataillon de douaniers mobilisés du Nord à trois compagnies commandé par Edmond Giovanelli, inspecteur à Avesnes-sur-Helpe et de retour d’une mission à Sedan en octobre fournit des éclaireurs dans l’Aisne et opère quelques coups de mains avec des corps-francs contre des unités ennemies en mouvement ou des garnisons isolées. Ainsi, il prend d’assaut le village de Rozoy et récupère le produit des diverses amendes infligées par l’occupant Puis il sert de flanc-garde au 23′ corps lors de l’offensive qui prend Bapaume mais échoue à Saint-Quentin. Entre-temps, l’unité est passée sous les ordres de l’inspecteur Duclos. Giovanelli, nommé lieutenant-colonel puis colonel dans l’armée auxiliaire, prend quant à lui la tête d’une colonne volante composée de deux bataillons de ligne, cinq de mobiles et une batterie d’artillerie, soit près de 6 000 hommes. Il est ensuite commandant du régiment des mobiles des Ardennes qui perd près de 900 hommes dont 8 officiers lors de la sanglante bataille de Saint-Quentin. Ce brave officier obtiendra la Légion d’honneur pour son action durant cette difficile campagne. Le bataillon, malgré les difficultés et pénuries, oeuvre avec discipline et valeur, en dépit de conditions hivernales forts rudes et avec le courage bien trempé d’une vieille troupe supportant les vicissitudes et malheurs de la guerre et de la défaite.
La légion de Besançon concourt aux opérations de l’armée de l’Est du général Bourbaki avec ses trois bataillons. Ils supportent eux aussi des conditions de vie très difficiles lors de cet hiver de 1870 dont la rigueur est demeurée légendaire. Le 1er bataillon prend part à la défense de Besançon. A Thulay et à Hermoncourt, il concoure à retarder la marche allemande vers les plateaux. Les 2e et 3e bataillons restés sur place servent d’éclaireurs et de guides aux troupes en opérations dans leur secteur. Les douaniers, par leur parfaite connaissance de leur penthière, permettent à plusieurs corps d’échapper à l’internement en Suisse en les faisant passer à travers les lignes allemandes par des sentiers de montagne dans le Jura ou les Vosges. Ainsi, une troupe de 345 Français, dont un général, part de Mouthe et réussit à atteindre Gex par le col de la Faucille grâce à des douaniers. Cependant, certains font partie des 90 000 hommes internés en Suisse suite à la convention des Verrières.
Le commandant de Tarragon, inspecteur de deuxième classe à Lorient, a sous ses ordres un bataillon à cinq compagnies de 465 douaniers intégré au sein de la 3e légion du colonel Vérel servant sous le commandement du général Lauriston, chef du département du Calvados. Face à l’inertie de ce dernier, de Freycinet, ministre de la Guerre, le met en congé de santé et place ses troupes sous le commandement du combatif général Roy à compter du 3 janvier 1871. Ce dernier vient d’affronter les Prussiens de Manteuffel avec son armée de l’Eure les 30 et 31 décembre. Les gabelous sont les derniers agents non appelés à Paris, donc les plus âgés ou pères de famille, et proviennent des brigades de la Manche et du Calvados levées par le directeur à Caen, Dragon de Gomiecourt. Ils ont été appelés pour suppléer les mobilisés et autres gardes mobiles peu entraînés alors que l’Orne et le Calvados sont sous la menace de l’invasion teutonne. L’état-major du commandant de Tarragon comprend le capitaine adjudant-major Falaise, le capitaine-trésorier Simon, le chirurgien aide-major Bourienne, l’adjudant Bellée, le vaguemestre Lefebvre et le secrétaire Lesaulnier. L’ambulance est composée des agents Coulon, Massey et François. La compagnie est sous les ordres du capitaine Gallet de Santerre, aidé par les lieutenants Lestunf et Legerriais. le sergent-major Dumas, le sergent-fourrier Eve et les sergents Lepesant, Delalande, Bois et Bry. Ils commandent à 10 caporaux, au tambour Laloê, au clairon Lebreton et à 72 hommes. La 2e du capitaine Halley comprend le lieutenant Dugardin, le sous-lieutenant Menard, le sergent- major Lechevallier, le sergent-fourrier Liébard, les sergents Passelet, Lecomte, Lecoufiet. Legerriais, Bonnet et Saint-Léger, 10 caporaux, le clairon Duhamel et 71 hommes. La 3e compagnie obéit au capitaine Yautier. Il commande aux lieutenants Butel et Deganne. au sergent-major Lebrun, au sergent-fourrier Vautier, aux sergents Mahieu, Richard, Yger. Lerouvillois et Simon, ainsi qu’à 10 caporaux, dont Lepetit jeune et Lepetit aîné, le tambour Sicard, le clairon Lambert et 71 agents (dont les Lebourgeois aîné et jeune !). La 4e compagnie est dirigée par le capitaine Buhot. Il a sous ses ordres les lieutenants Daniel et Leneveu, le sergent-major Lecler, le sergent-fourrier Letorey, les sergents Benouville. Voisin, Moitié, Mauquest, Léonard, Mignot et Tostain, 10 caporaux, le clairon Delarne, le tambour Jardin et 67 soldats. La 5e est celle du capitaine Hauvet. Elle comprend le lieutenant Simon, le sous-lieutenant Fleury, le sergent-major Labbé, le sergent-fourrier Cauvin, les sergents Pêche, Mahieu, Hébert, Legagneur et Leroux, 9 caporaux, le clairon Lecavalier et 74 guides. Ils tiennent un secteur entre Pont-l’Evêque, Lisieux et Falaise, participant aux derniers engagements dans la région en janvier, subissant de plein fouet les frimas d’un hiver terrible. Ces hommes ne cesseront le combat qu’en mars 1871. Un des officiers, qui s’était distingué à Forbach, le capitaine Lajeunesse, est d’ailleurs fait chevalier de la Légion d’honneur. Les dernières troupes rejoignent l’armée de l’Ouest, sous Chanzy, en cours de formation lorsque survient l’armistice.
D’autres agents sont récompensés. Ainsi, le capitaine Favrot est décoré de la légion d’honneur. Les sergents Romengas, Grillon, Lutigne, Gay, Thouvenin et Ricord, les caporaux Bosqua et Bosser, ainsi que les agents Vallene, Mendioude, Meunier et Paquette obtiennent la Médaille militaire. On peut encore citer parmi les combattants méconnus le capitaine Calmant, le lieutenant Boehm, les guides Déduit, Vothy, Sicard… Le 21 mars 1871, la guerre est finie, le ministre de la Guerre signe à Versailles le licenciement du corps des douanes et les agents doivent rentrer dans leurs brigades, ou nouvelles pour ceux des provinces perdues, et reprendre leurs missions. Les vétérans encore vivants recevront au début du 20e siècle, la médaille Commémorative de la guerre de 1870-1871.
Revenons à l’étude de Fort qui avait si bien compris l’essence même du corps militaire des douanes : « Sur le rempart de la capitale, on aperçoit bientôt la silhouette gris-bleu du douanier, drapé dans, sa capote ample à col droit et à deux rangs de boutons blancs, un pantalon bleu à bande rouge, son képi militaire à visière droite, sac au dos, fusil sur l’épaule ou en tunique verte à un rang de boutons, sa capote roulée en boudin autour du sac. Paris voyait avec satisfaction les douaniers sur lesquels il savait pouvoir compter. Pour justifier cette confiance et pour obéir à sa nature généreuse, le brave gabelou n’a ménagé, pendant le siège, ni son courage ni ses forces. Tombé le premier à Schreckling, il a succombé le dernier sur les remparts de Paris. ».
Le premier tué, les premiers prisonniers et quasiment les premiers blessés français de cette guerre sont des douaniers. Les premiers au combat, ces hommes ont aussi fait subir leur pertes originelles aux troupes allemandes, tant en morts, touchés que capturés. Durant ce sanglant conflit, les agents de la douane ont encore prouvé au prix de leur sang leur courage et ils n’ont pas démérité de leur Patrie. Au total, 887 officiers et 17 576 agents furent mobilisés. Nous ne possédons malheureusement pas de données précises concernant les pertes durant cette guerre, mais des dizaines de tués et blessés forment le cortège glorieux de douaniers de 1870-1871. Les ordonnances de 1831 n’ont quasiment pas été respectées et les gabelous ont combattu comme ils le pouvaient, l’organisation militaire du corps des douanes prévue si méticuleusement ayant souffert des difficultés d’organisation et de concentration de l’armée impériale, puis du choc des défaites.
Toutefois, une campagne encore plus longue et effroyablement dure devait survenir 40 ans plus tard. Et les gabelous des tranchées ne vont pas se montrer indignes de leur prestigieux aînés de « l’Année Terrible ».
Raphaël Schneider