Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Jérôme Phalippou – Quand l’histoire renaît sous son crayon

Mis en ligne le 1 février 2019

Douane Info vous l’a récemment présenté ; contrôleur de la BCS de Châtel-Abondance, il a fourni aux Cahiers de l’A.H.A.D. quelques-unes de ses illustrations. Dommage que nous ne puissions vous les montrer en couleurs ! Toutes sont basées sur des faits réels, qu’il traque dans les circulaires des douanes.

 

 

« 12 mai 1819. Le receveur et le lieutenant de Saint-Laurent-du-Pont, direction de Belley, viennent de saisir soixante-quatorze pièces de mousseline et cent soixante pièces de Nankin, renfermées dans des caisses chargées sur des bêtes de somme, et présentant toutes les apparences de planches de sapin posées les unes sur les autres.

Le dessus et le dessous de chaque caisse étaient formés de planches entières ; les côtés et les bouts l’étaient de morceaux sciés, adroite- ment ajustés, et réunis avec des chevilles et quelques clous, de manière à laisser dans l’intérieur le vide où se trouvait la contrebande. »

 

 

« 8 mai 1824. Un nouveau moyen de fraude vient d’être découvert dans la direction de Besançon.

Des pommes, de grosseur moyenne et d’un rouge foncé, avaient été coupées horizontalement, en forme de boîtes à savonnettes, et creusées intérieurement jusqu’à une ligne environ de la pelure ; les deux moitiés avaient été ensuite réunies et assujetties par des fils rouges disposés de manière à déguiser la coupure.

 

L’objet de fraude renfermé dans cette espèce de boîte était enveloppé dans un linge très fin, destiné à la garantir des taches et à remplir d’une manière égale toutes les cavités.

Je m’empresse de signaler aux employés des deux services cette manœuvre dont on se sert, à ce qu’il paraît, pour introduire des dentelles, des tulles et quelquefois aussi des objets de bijouterie et d’horlogerie.

Elle indique la nécessité d’apporter une attention particulière à la vérification des paniers ou corbeilles de fruits venant de l’étranger par les frontières de terre. »

 

 

 

« 2 septembre 1845. Un moyen de fraude fort ingénieux vient d’être démasqué sur la frontière du Nord.

Trois blocs de pierre de taille, d’un volume considérable, avaient été présentés pour l’acquittement des droits au bureau de Mouchin, direction de Valenciennes.

 

La vérification a fait reconnaître que ces blocs étaient creux et renfermaient 1 700 kg environ de marchandises diverses, telles que tabac, limes et aiguilles à coudre.

Des dalles de pierre semblables s’adossant à une saillie intérieure, recouvraient les cavités et ces dalles étaient soudées au bloc avec du goudron d’abord, puis avec du ciment de couleur, absolument la même que celle de la pierre.

 

La fraude était difficile à découvrir, car aucun signe extérieur n’en trahissait l’existence.

Sous le coup du marteau, les blocs ne produisaient d’autre son que celui de la pierre massive et le ciment, d’ailleurs, était d’une dureté telle que deux hommes vigoureux, frappant à coups redoublés de maillet, ont eu peine à l’en détacher. »

 

 

 

Victor Gaillard – 1841 – Les Français peints par eux mêmes « La diligence de Genève gravissait la côte de Gex, et pendant ce temps les voyageurs se faisaient part des craintes légitimes qu’ils éprouvaient à la douane française, vers laquelle on s’avançait.

 

Une dame surtout était fort alarmée, à raison d’un châle de mille écus qu’elle portait caché sur elle.

Hormis un seul monsieur, blotti dans un coin, tout le monde avait parlé et fait chorus. « Arrivée aux Rousses, premier village français, la voiture s’arrêta et les douaniers se présentèrent en demandant si personne n’avait rien à déclarer.

 

La réponse fut négative, mais le monsieur du coin rompit tout à coup le silence pour dire aux douaniers : “Messieurs, je vous demande pardon, madame que voilà a un châle caché sous les aisselles”.

« Le châle fut saisi, la portière fermée, et les chevaux partirent. Les autres voyageurs, remis bientôt de leur surprise, étaient indignés et auraient peut-être fait un mauvais parti à l’homme qui venait de se signaler par un tel abus de confiance, quand, après quelques minutes, il bondit de son siège d’une façon galvanique, et sa figure acquit une expression d’une joie délirante.

 

« Cette crise nerveuse dura peu et fit place à une immobilité parfaite. “Messieurs, dit-il froidement aux voyageurs, je viens de passer pour une valeur de 120 000 francs de bijoux, et madame, ajouta-t-il en ôtant son chapeau, a gagné mille écus, car voici 6 000 francs en bons billets de banque que je la supplie d’accepter en échange de son châle perdu.”

« Inutile d’ajouter que la dame accepta, et tout s’expliqua à la satisfaction générale. »

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