Claude Huyghe, La dune et la lune (La commode oblique), 2014 (39/50)
« Né à Rosendael », comme le proclame l’un de ses poèmes éponymes, Claude Huyghe a effectué l’ensemble de sa carrière douanière au sein des services de la direction régionale de Dunkerque d’avril 1995 à octobre 2025. Durant ces « trente ans debout à la frontière », selon le célèbre incipit apollinarien, il y a fait de belles rencontres et saisies, dont une demie tonne de cocaïne dans un conteneur en 2020, pour laquelle il a obtenu la médaille d’honneur des douanes. Passionné d’écriture et de poésie, chansonnier, librettiste et co-créateur du Cyber Opéra ” La Rébellion Oméga”, il a écrit deux recueils de poèmes (Orymphes, La Commode Oblique) et un roman en alexandrins (Ighm le Véloce). Ayant vidé sa commode, il conserve néanmoins dans ses tiroirs et son imagination des milliers de vers qui n’attendent plus que sa plume.
La dune et la lune (La commode oblique), 2014*
La dune se trouvait petite et solitaire
Balayée par le vent froid de l’hiver nouveau
Elle était si triste parmi ses congénères
La mer lui apportait ses larmes en rouleaux.
La lune, petite dans l’immense univers
Était fatiguée de ne montrer qu’une face
Au monde qui plus bas avait bien trop à faire
Pour ne la regarder dans l’eau comme une glace.
Oui, la lune et la dune avaient des points communs
Si bien qu’elles se parlaient dès la nuit tombée
Personne ne voyait les deux amies de loin
Ni n’écoutait leurs cris de joie comme un bébé.
La dune grandissait un peu plus chaque jour
Dans l’espoir un peu fou de monter dans le ciel
Ses oyats frémissaient, de vraies mains démentielles
Alors, grain après grain, la dune se fit tour.
La lune pour lui plaire se fit la plus ronde
Rendant folles marées et mouettes frileuses
Elle s’illuminait pour éclairer le monde
Pour mieux voir la dune très fière et généreuse.
Mais le vent trop jaloux fit gronder le tonnerre
Les nuages du coup devinrent des soldats
Les éclairs en renfort firent trembler la mer
Le vent se fit violent et la dune tomba.
L’orage sépara les amies impossibles
Pendant des jours entiers, une saison entière
La lune était cachée dans le ciel irascible
Dans les nuages noirs qui lui firent misère.
La dune était punie d’avoir voulu grandir
D’avoir voulu toucher son amie sélénite
Elle laissa tomber son idée pour finir
Elle redevint triste, elle redevint petite !
Un soir, un grand oiseau ému par cette histoire
Parla à la dune et lui prit en cadeau
Un peu de son sable sur ses ailes, son dos
Et vola tout en haut jusqu’à la lune noire !
Personne n’a revu ce très beau goéland
S’il a réconforté la lune silencieuse
Mais la dune savait qu’en prenant son élan
Il toucherait enfin son âme très précieuse…

*Source : Claude Huyghe, La commode oblique, Edilivre, 2015, p.79-80. Tous nos remerciements à Claude Huyghe pour nous avoir autorisé à reproduire ce poème.