Association pour l’Histoire de l’Administration des Douanes

Aperçu sur la première direction des douanes de Chambéry

Mis en ligne le 1 juillet 2022

 

N.D.L.R.- A La suite de la publication dans le Journal n° 96 d’une chronique sur le Commandeur Prosper Vignet, Directeur des Douanes et Gabelles du Royaume de Sardaigne et Directeur des Douanes Françaises à Chambéry, M. Léon Leducq a bien voulu nous donner un aperçu de la première Direction des Douanes de Chambéry créée en 1793.

 

NDLR  du « Journal de la Formation Professionnelle » – 1961

 

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1792. Dans la nuit du 21 au 22 septembre. le général Montesquiou envahit la Savoie ; le 27 octobre, à sa douzième séance, l’Assemblée des Allobroges abolit la gabelle, les impôts sur le sel, le tabac, le plomb et la poudre, supprime les douanes sur la frontière de la France et décide de conserver celles qui sont placées sur les confins du Piémont, de la Suisse et de Genève, mais ce n’est qu’après l’intervention de Clavière (1) et sur le rapport de Grégoire (2), que le décret du 27-29 Novembre 1792 décide que la Savoie formera un 84ème département sous le nom de département du Mont-Blanc, et confirme la résolution de l’Assemblée des Allobroges.

 

Les Régisseurs des Douanes chargent de l’organisation du service les citoyens Brack (3), ci-devant Directeur Général des Traites à l’Hôtel des Fermes, et le citoyen Vallois, ci-devant Directeur des Fermes à Chalons-sur-Marne. Ils ont qualité de Commissaires du Pouvoir Exécutif et d’Inspecteurs Généraux des Douanes. Vallois exerce aussitôt les fonctions de Directeur à Chambéry. Les bureaux de la Direction de Pont de Beauvoisin confinant à la Savoie de Seissel à Planpinet, ainsi que les brigades de Chatillon à Ornon sont supprimés. De nouveaux bureaux au nombre de trente, de Carouge à Bonneval et quarante-trois brigades, de Lassey au Chatelard sont créées. Il ne semble pas que l’installation ait présenté de sérieuses difficultés. Leur surveillance s’exerce principalement à l’exportation des marchandises et denrées de première nécessité, de graisses, de bestiaux.

 

La Direction n’a que peu de durée. La loi du 31 Décembre 1793 la supprime et crée deux Inspections commerciales à Carouge et à Lanslebourg.

 

La loi du 6-22 avril 1795 qui rétablit les Directions – transfère à Carouge le siège de l’ancienne direction de Chambéry, le directeur est le citoyen Gay Jean Baptiste. La douane est en état perpétuel d’alerte. A Genève, les mandements sont des entrepôts de marchandises prohibées. Les résidents, Delacroix, Desportes, le général Pouget s’indignent mais les incidents, les attaques contre les postes de douane se multiplient. Le 17 Avril 1798, Desportes est appelé à Paris pour donner des renseignements sur la contrebande ; le 26 Genève est occupée, enfin le 28 prairial an VI (16 juin 1798), toute la douane de Carouge est transférée à Genève qui devient le siège de la Direction.

 

Puis, le Piémont est occupé par l’armée française ; les douaniers sont partis aux nouvelles frontières, dans la Direction de Turin, puis dans celles de Verceil, Voghère et Parme ; ils continueront, eux aussi à avancer en Italie.

 

1814, Adine (4) est Directeur à Genève, son fils Louis est Inspecteur du Valais, à Sion ; Armand Dubois de Romand est Inspecteur à Thonon, C’est l’invasion. Une décision de la Direction Générale des douanes défendait aux Directeurs des Douanes, en vertu d’instructions de l’Empereur, d’acquiescer aux demandes et réquisitions qui leur seraient faites pour détourner les préposés de leurs fonctions habituelles. Déjà surprenante à son époque (novembre 1813) – et d’ailleurs peu suivie, cette règle n’avait’plus d’intérêt dans les. nouvelles circonstances.

 

Aussi bien, les brigades du Simplon, disciplinées, constituées en bataillon à l’effectif de 500 hommes forment-elles sur l’ordre du général de La Roche, commandant la 7ème division militaire et sous le commandement de leur Inspecteur Adine, le noyau du premier corps franc organisé dans la région.

 

Un deuxième corps franc, composé presqu’en totalité de douaniers est, sur l’ordre du général Dessaix (5), mis sous le commandement de Dubois de Romand (6).

 

Le 10 Janvier 1814; à Rumilly, avec 164 douaniers, 165 hommes du 60ème de ligne, 38 du 8ème léger et 17 chasseurs à cheval. Adine contient pendant plusieurs heures la colonne de Zeichmeister, forte de 2000 hommes d’infanterie, 500 chevaux et 8 pièces d’artillerie. Il avait perdu une centaine d’hommes, tués, blessés ou prisonniers.

 

Le 31 janvier, les Autrichiens franchissent les Echelles ; les conscrits jettent leurs fusils pour courir plus vite, les gardes nationaux se dispersent dans toutes les directions ; seuls, dit Chaptal dans une lettre à Montalivet, les douaniers font leur devoir. 

 

Dessaix entre à Aix, le 22 Février au matin,, il est précédé par Armand Dubois qui , à la tête de 70 cavaliers charge les hussards de, l’arrière garde ennemie et leur fait 5 prisonniers.

 

Le 1er corps franc a été licencié et Armand Dubois (7) a pris le commandement de la cavalerie de Dessaix ; le 16 Mars, remontant la vallée de l’Arve à la tête de 50 chasseurs à cheval ; il s’empare à la Roche d’un convoi ennemi de blé et d’avoine ; continuant, il trouve Bonneville occupé par les hussards hongrois, il les charge, les met en déroute et leur tuant une centaine d’hommes et rentre dans les lignes françaises avec 19 chevaux qu’il leur a enlevés,

 

Les faits d’armes des douaniers savoyards rempliraient des colonnes. L’historien de l’Épopée des Alpes, Joseph Perreau, a pu écrire : « Le combat de Rumilly est des plus honorables pour le personnel de l’Administration douanière, celui qui s’intitule lui-même corps militaire des Douanes, L’Inspecteur Adine y révéla le coup d’oeil, la décision et le talent d’un véritable tacticien. Le 18 Janvier 1814, le corps militaire des douanes a pleinement justifié son titre, lui aussi peut revendiquer la fière devise : « le passé répond de l’avenir« , et puis encore, parlant de Dubois et d’Adine : « deux noms symbolisent les réserves de discipline et de dévouement dont certains corps auxiliaires, comme les douaniers et les forestiers, conservent le précieux dépôt« .

 

Après le traité de paix du 30 Mai 1814, la Direction est établie à Belley. Après être revenue à Chambéry en décembre 1814, elle est après le traité du 30 Novembre 1815, transférée de nouveau à Belley où elle demeurera jusqu’au 21 Novembre 1839.

 

C’est la paix. La vie a repris son cours normal. L’armée se repose. Après s’être fait tuer pour l’Empereur, les douaniers se font massacrer en s’opposant à des bandes armées de plusieurs centaines de fraudeurs aidés par les habitants.

 

Léon Leducq

 


 
Notes:
 
(1) Clavière – Ministre des Finances – d’août 1792 à Juin 1793.
 
(2) l’abbé Grégoire, député,
 
(3) Brack, Charles Pierre, né à Valenciennes le 29 Juin 1749, Directeur Général des Fermes à I’Hôtel des Fermes de 1786 à 1790. Inspecteur Général dans le département du Mont Blanc (Direction de Chambéry). Directeur à Marseille puis à Genève (4 Juillet 1805). Présenté par Collin de Sussy comme Directeur Général le 12 Janvier 1812. Directeur à Valenciennes en 1814, nommé administrateur le 6 Décembre 1813- puis Directeur à Strasbourg le 17 Mai 1817. Retraité en 1828.
 
(4) Adine, Louis, Marc, Aurélien, né à Nantes le 27 Octobre 1782 Nommé, le 1er Avril 1811, Inspecteur à Sion (Direction de Genève). Il s’était déjà distingué à Vogière en décembre 1805 oÙ étant Inspecteur, il avait à la tête de 200 douaniers, contribué à mettre en déroute les insurgés parmesins. Il fut directeur des douanes à Charleville en 1830 et le 1er Avril 1831, à Belley où il mourut en 1838.
 
(5) Desaix, Joseph. Marie né à Thonon le 24 septembre 1764. A la Révolution, se réfugie à Paris, Capitaine de la légion franche des Allobroges, Général de Division et Comte de l’Empire , Gouverneur de Berlin. Mort en retraite à Marclaz, près de Thonon, le 26 Octobre 1834.
 
(6) Dubois de Romand, né à Bayonne le 4 Juillet 1784, Capitaine au 2e Régiment de Cuirassiers, Inspecteur de la ligne Kiev-Brème en 1809, puis à Thonon. Nomme chef d’escadron le 8 Janvier 1814. Directeur à Grenoble.
 
(7) Dubois, Joseph, Martin né en 1730. Entré dans dans !a Ferme le 20 Octobre 1760. En 1771, Inspecteur Général à Pont de Reauvoisiers, puis à Bayonne en 1783. Directeur à Valenciennes en 1791. Emigré. Directeur à Genève le 6 Janvier 1801. Administrateur le 16 Septembre 1801. Décédé en 1811.
 

 

Journal de la Formation Professionnelle

 

N° 98

 

Mars-avril 1961

 

 

 


 

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