André Larroudé, Le froid, 1960 (34/50)

Mis en ligne le 30 octobre 2025

Le 15 mai 2000, le Comité pour l’histoire économique et financière de la France lançait un concours autobiographique mobilisant 302 retraités de l’administration des douanes et permettant la collecte de 119 manuscrits complets pour un corpus de 11 433 pages.* Dans son avant-propos aux mémoires de René Drelon intitulées « Par le Cor et la Grenade », lauréat du premier prix du concours autobiographique « Pour la mémoire des douanes », René Rémond déclarait : “On est d’autant plus surpris à la lecture de ces récits, compte tenu de la brièveté de leurs études qui ne laissaient guère à leurs auteurs de possibilité d’acquérir une culture de type classique, de leurs qualités littéraires : ce concours révèle de vrais écrivains dont le talent éclate dans les descriptions de paysages, qui révèlent des sensibilités artistiques, comme dans les portraits souvent criant de vérité. Plusieurs ont de vraies réussites d’écriture pour le bonheur du lecteur. Force est de penser que l’instruction reçue a été efficace.”** Ainsi d’André Larroudé, se décrivant comme un « humble métallo aux Forges de l’Adour […] Devenu fonctionnaire des douanes […] depuis 1954 » et poète en 1960.

 

Le froid, 1960*

 

Les douaniers
Un vent sauvage court, sous un ciel bas et sale.
Les arbres sans arrêt, agitent leurs bras nus,
Comme pour balayer le grand troupeau des nues,
Qui vient rapidement, dans la nuit qui s’affale.

 

Silencieux dans le soir, d’un pas automatique,
Sur le versant pentu, d’un col des Pyrénées,
Les douaniers, lentement, s’en vont la goutte au nez,
Sous leur noir capuchon, silhouettes tronc-coniques.

 

Par un sentier tordu, qui monte vers les crêtes,
Ils s’en vont loin… très loin ; pour attendre leur proie,
Dans quelque coin obscur, où ils auront très froid ;
Mais qu’importe ; ils s’en vont ; et leur marche est discrète.

 

Voici la roche creuse ; ils prennent position ;
Cependant que le vent multiplie les rafales
Et que tombe la nuit, abondante et glaciale,
Ils atteignent enfin, le point d’apparition.

 

C’est là que tout trempés, gelés et fatigués,
Mais prêts à faire feu, comme un chien de fusil,
Patients ils attendront, une belle saisie.
Attentifs dans le noir, tristes, ils font le guet.

 


*Source : De la penthière aux nouvelles frontières. Récits autobiographiques de douaniers, 1937-1996 – Morceaux choisis et commentés par Michèle Poulain,
IGPDE – Comité pour l’histoire économique et financière de la France (Cheff), 2012, p. 216.
Plus de renseignements sur https://www.economie.gouv.fr/igpde-editions-publications/penthiere-aux-nouvelles-frontieres .

**Source : René Rémond, Avant-propos, in René Drelon, Par le Cor et la Grenade, Comité pour l’histoire économique et financière de la France / IGPDE, « Mémoires », Paris, 2003, p. X.